Nouvelle Ere – Submersion – Chapitre 29

Sanctuaire, Grèce, temple de la Balance, fin juin 2006

Personne ne s’en rendit compte. Pas tout de suite en tout cas : Angelo était capable de discrétion lorsqu’il s’en donnait la peine. Lorsqu’enfin, des regards perplexes et encore passablement embués s’échangèrent avant de converger vers Shura, celui-ci se contenta de hausser les épaules.

« C’est pour toutes les fois où j’aurais dû. Aller le voir. »

Le Capricorne s’était contenté d’esquisser un sourire mince qui avait continué de flotter sur ses lèvres après qu’Angelo se fut volatilisé, au moment où Dôkho rendait son dernier soupir.

Devant son air tranquille, ses pairs hésitèrent, Saga finissant par hocher la tête et sonner le moment du départ pour laisser la place au personnel médical qui allait préparer le corps de Dôkho. Shura fut le premier à atteindre la sortie du temple de la Balance ; Mü fermait la marche, sous le regard vigilant de Shaka.

« Ne t’attarde pas trop longtemps. »

* * *

Le chuchotement de Shura dans ses pensées semblait provenir d’infiniment loin mais s’avéra assez intelligible pour qu’il redressât la tête, s’arrachant au pouvoir hypnotique des lieux.

La morne plaine grisâtre, recouverte de cette poussière si fine qu’elle se soulevait à chaque pas et s’infiltrait par le moindre interstice, ne lui manquait pourtant pas. Pas plus que le couvercle bas et sombre auréolé de loin en loin de lueurs malsaines qui tenait lieu de ciel au Puits des Morts. Il avait beau connaître les lieux par cœur, les arpenter régulièrement, leur reconnaître même toute leur utilité, il les détestait et l’attirance malsaine qu’ils exerçaient sur lui à son corps défendant n’en était pas la moindre des raisons.

Même si ce n’était pas la pire.

Autour du promontoire sur lequel il s’était juché en quête d’un meilleur point de vue s’enroulait la marche obstinée des défunts en direction du gouffre en contre-haut, dont ils gravissaient inlassablement les pentes avant de choir dans le vide. Sans marquer le moindre temps d’arrêt.

Adultes ou enfants, jeunes ou vieux, les silhouettes se succédaient, aussi différentes dans la vie que semblables dans la mort. Ne pas détailler les visages de la multitude permettait de n’en distinguer aucun de particulier, ce qui rendait plus supportable l’observation de leur lente procession macabre ; celui qui s’était – trop – longtemps fait appeler Masque de Mort était bien placé pour le savoir.

En l’occurrence toutefois il n’avait pas le choix, aussi se résigna-t-il à fouiller du regard et du cosmos parmi les plus hagards des nouveaux arrivants : ceux qui bien malgré eux prenaient lentement mais sûrement conscience du chemin sans retour sur lequel le destin venait de les engager.

Un instant son attention fut accrochée par de rares silhouettes qui divaguaient au loin, errant sans but aux alentours du Puits. Ils n’étaient pas nombreux à se trouver hors du rang et la plupart finissaient tôt ou tard par mettre leurs pas dans ceux de leurs innombrables prédécesseurs. La plupart. Pas tous. Pas celui aux contours incertains qui s’était immobilisé et semblait regarder en direction du Cancer.

Ce dernier s’ébroua ; une impression, rien de plus alors que les âmes dissidentes disparaissaient de son champ de vision au profit d’un nouveau flot désincarnée.

Ah, le voilà.

Sautant à bas de son perchoir, Angelo ne put réprimer un sourire amusé tandis qu’il remontait à rebours des files innombrables : l’un des nouveaux arrivés persistait à s’essayer au pas de côté avec une ténacité en tout point digne d’un Chevalier d’or.

« Tu te trompes de direction, papy, glissa-t-il à l’oreille de Dôkho dont la pâleur cadavérique parut se réchauffer brièvement en reconnaissant le trouble-fête.

— Si c’était pour me donner du papy, je suis bien content que tu ne sois pas venu me voir plus souvent.

— Je savais qu’on se comprendrait », répliqua Angelo en ajustant son pas à celui du Chinois dont la route se rectifiait inexorablement pour le ramener parmi les autres trépassés du jour.

Ils cheminèrent un moment en silence, au rythme du chuintement las des pas dans la poussière et de la plainte entêtante et continue en provenance du sommet du Puits. La peur n’est pas l’apanage des vivants ; les morts eux aussi sont confrontés à une ultime terreur au moment où leurs pieds se dérobent au-dessus du néant. Il pouvait s’agir d’un cri pour les uns, d’un gémissement pour les autres, et dans tous les cas du dernier témoignage d’une existence préservée à jamais dans l’écho ininterrompu accompagnant sa dernière chute.

« Cela va prendre longtemps ? finit par demander Dôkho dont les traits se figeaient de plus en plus.

— Oh, le temps, ici, tu sais – Angelo ouvrit les mains pour englober les environs avant de les laisser retomber – il ne vaut plus grand-chose. La seule certitude, c’est que tôt ou tard, tu arriveras là-haut.

— Et après ?

— Après ? Je ne suis jamais allé vérifier, figure-toi. Inquiet ?

— … Non. En fait, non. »

Si la Balance ne souriait pas, le soulagement n’en perçait pas moins sous sa réponse et sans cesser de marcher, il tourna vers le Cancer ses yeux devenus vitreux.

« C’est gentil à toi de m’accompagner.

— Bah, autant profiter des quelques avantages, pas forcément très festifs au demeurant, que me confère ma fonction.

— Mais encore ?

— Tu as beau être mort, tu ne peux pas t’en empêcher, hein… – le rire d’Angelo ne fit se retourner aucun défunt même si certains ralentirent momentanément le pas comme pour profiter de cette étincelle de vie incongrue – … Je voulais te remercier. En privé. »

Ils progressèrent de quelques mètres supplémentaires puis le Cancer reprit, avec un sérieux inusité :

« Pour nous avoir empêchés, Shura et moi, de faire une grosse connerie l’été dernier. Et avoir protégé Mü par la même occasion. Je sais les quelques années de vie que ça t’a coûté[1].

— Des mois tout au plus. Et à dire vrai… je n’y avais pas réfléchi.

— Un reste de ta fougueuse jeunesse, j’imagine ? – contre toute attente, la silhouette éthérée qui progressait aux côtés du Cancer tressauta sous l’effet d’un rire silencieux – Et puis… Pour l’autre fois[2]. Dans le Surmonde. Quand tu m’y as repêché. Ce jour-là, je vous ai mis tous les trois en danger. Si tu ne m’avais pas trouvé – il désigna le Puits dont les rives se rapprochaient peu à peu – c’est là-dedans que vous auriez terminé.

— Tu ne pouvais pas faire autrement. »

Dôkho continuait à avancer à côté de lui, la mort transformant progressivement son âme pour la rendre de plus en plus rigide, de plus en plus grise, de plus en plus éloignée de la vie qui l’accompagnait, personnifiée par Angelo. Pourtant, l’esprit de Dôkho résistait encore, sans doute encouragé par la présence du Cancer en tant que dernier lien avec les vivants.

« Le petit garçon avait peur de nous faire du mal mais il ne voulait pas qu’on voit que lui-même avait mal. Je l’ai trouvé, c’est vrai mais il est toujours là, quelque part.

— Tu n’en as jamais rien dit.

— Parce que la seule personne qu’il attend et qui peut lui parler, c’est toi.

— Qui te dit ce que ce n’est pas déjà fait ?

— Le masque est toujours là. »

La pente s’était accentuée mais leur pas demeurait égal et régulier. Rien ne ralentissait jamais les défunts et plus ils approchaient du point de non-retour, moins il était facile de les en dérouter. A présent, plus rien ne pouvait empêcher Dôkho de disparaître.

Pourtant, il s’arrêta. A moins de trois mètres de la bouche béante et obscure du puits. Derrière lui, les défunts se bousculèrent sans pour autant s’arrêter, se contentant d’obliquer pour le contourner au plus près et retrouver leur but initial. De là où ils étaient, Angelo les voyait chuter un à un comme des fruits trop mûrs.

« Tu peux décider de le garder. »

Dôkho regardait dans sa direction, mais ne le voyait pas. Ou plus exactement il ne le voyait plus. Transpercé par son regard aveugle, Angelo avait tout loisir, s’il le souhaitait, de disparaître : ce qui restait du Chevalier d’or de la Balance ne s’en rendrait pas compte. Il pouvait s’affranchir de ses mots, refuser de les écouter, retourner à la vie, à sa vie, celle qui n’avait pas si mal tourné en fin de compte. Qu’est-ce que cela changerait ?

Tout.

La réponse, claire, avait jailli pour s’imposer face à ses tergiversations qui n’avaient de cesse de clignoter sur l’écran brouillé des quelques certitudes acquises tant bien que mal au cours des derniers mois mais qu’il avait encore du mal à regarder en face.

Alors il resta.

« Tu n’en vivras pas moins bien. Mais si tu acceptes de l’enlever, c’est ton existence que tu pourras mener. Celle qui a toujours été la tienne mais dont tu as été privé. Ecoute ton cœur, mon garçon, écoute-le vraiment.

— Je ne suis pas bien certain de savoir comment m’y prendre… Papy. »

Dôkho reprit sa marche, un pas, puis un deuxième. Le troisième le vit pivoter sur lui-même alors que le vide s’ouvrait dans son dos :

« Dans ce cas, laisse faire celui à qui tu l’as donné. »

Palais du Domaine Sacré, Sanctuaire, Grèce, fin juin 2006

« Il faut manger. »

Les mots de Saga n’étaient ni un ordre, ni un conseil. Simplement l’expression d’une nécessité pragmatique, motivée, elle le devinait, par une inquiétude qu’il s’efforçait de maintenir au loin pour le moment mais qu’il ne manquerait pas d’exprimer lorsqu’ils seraient seuls. Elle reprit sa fourchette. Et porta à ses lèvres une bouchée de plus sans saveur.

Kanon et Thétis, en face d’eux, ne parlaient pas, se contentant de manger sans plus d’enthousiasme mais avec régularité. Leurs corps, comme ceux de leurs compagnons, avaient été éprouvés par le temps passé par leurs esprits dans le Surmonde du fait de l’énergie qu’ils avaient dû déployer pour s’y maintenir en même temps que Dôkho qui, lui, s’élevait vers des niveaux dont il ne pourrait pas revenir. Ils avaient résisté aussi longtemps que possible et n’étaient revenus dans leurs corps frigorifiés et affamés que pour constater ce qu’ils avaient ressenti au plus profond de leurs êtres.

Thétis prit une profonde inspiration, qui trembla un peu, lorsqu’elle repoussa son assiette. Le trop-plein d’émotions encaissées tout au long de la journée avait rougi le rebord de ses yeux, mais elle ne s’était pas dérobée un seul instant, en dépit des admonestations de Kanon. Elle ne pouvait pas utiliser son cosmos pour participer pleinement aux adieux avait-elle argué, alors qu’au moins elle aidât chacun à supporter sa peine en sus de la sienne. Andreas avait-il perçu le chagrin de sa mère ? Toujours était-il qu’il s’était tenu tranquille et n’avait pas pleuré une seule fois de la journée. A se demander s’il n’avait pas, lui aussi, perçu le départ de Dôkho au travers de son propre cosmos encore protéiforme mais qui ne se plaçait pas moins dans la continuité de celui du chevalier de la Balance. Feu le chevalier de la Balance corrigea Saga in petto alors que, sans enthousiasme, il interrogeait son propre cosmos. Oui, le creux était bien là. Comme redouté.

Rachel finit par imiter Thétis assise en face d’elle, sous le regard attentif du Pope qui se pencha vers elle pour déposer un baiser furtif dans ses cheveux gris. Elle le gratifia d’un sourire distrait avant de passer ses mains sur son visage, ouvrant grands les yeux autant pour se réveiller que pour reprendre pied dans la réalité. Et accessoirement, tenter – sans grande conviction – d’occulter la gêne sourde mais prégnante qui remontait le long de son bras gauche pour engourdir tout son corps.

La manche de son gilet avait glissé et Thétis se détourna avant de se redresser presque aussitôt, les yeux voilés par la contrition. Le poignet de Rachel mettait la Suédoise mal à l’aise lui avait-elle confié un jour qu’elles s’étaient attardées dans les thermes et que bien malgré elle, elle l’avait fixé avec trop d’insistance. La Grecque ne lui en tenait pas rigueur et à dire vrai, la comprenait. Cette symbiose avec les douze cosmos du Zodiaque que l’hérédité lui avait imposée avait, dans les faits, tout d’un parasitisme, du moins le considérait-elle ainsi les jours où elle ne pouvait s’empêcher de contempler son propre poignet avec répugnance en songeant aux conséquences à l’œuvre dans son propre corps.

« Ta main », murmurait cependant Thétis en glissant la sienne en travers de la table.

Sans hésitation, Rachel la lui abandonna, paume vers le haut. Les doigts de la Suédoise s’y aventurèrent avant de remonter, au bout d’un instant, vers le poignet. Et en toucher le métal.

Celui-ci était tiède et l’or s’avivait de place en place, sans rapport avec l’éclairage au-dessus de la table des cuisines du Sanctuaire où ils s’étaient réfugiés. La complétude de leur ordre s’exprimait au travers de ce chatoiement et dans le même temps, l’individualité de chacun. Leurs existences à tous pulsaient là, les battements du cœur de Rachel calés sur le rythme du Zodiaque lui-même alimenté par leurs variations, leurs sursauts et leurs absences. Une absence. La première.

Sans à-coup et avec douceur, Thétis draina la confusion hébétée dans laquelle Rachel errait qu’elle savait Dôkho sur le départ. Sous cette épaisse chape aussi lourde qu’anesthésiante, elle découvrit la plaie grande ouverte dans son cosmos qui avait cessé de n’être que le sien depuis longtemps. Le front de la Grecque se plissa et sa mâchoire se contracta alors qu’elle agrippait les doigts de Thétis pour les serrer convulsivement entre les siens. Elle avait mal. Enfin, songea Saga en croisant le regard vigilant de son jumeau. Le Pope n’avait rien caché à ce dernier de ses angoisses à l’approche de la mort de Dôkho, à l’idée des conséquences qui en découleraient pour chacun d’entre eux et plus particulièrement pour sa compagne dont la passivité depuis plusieurs jours l’inquiétait. Désormais la douleur la rattrapait et Saga en éprouvait un vrai soulagement. Elle encaissait la réalité “physique” de cette disparition, elle en mesurait, à l’aune de sa propre aura, la béance inévitable, le vide qui allait dorénavant l’habiter, plus profond et plus vaste qu’en chacun des chevaliers d’or qui eux-mêmes allaient devoir composer avec son omniprésence.

Kanon s’imposa comme soutien quand Saga enveloppa Rachel de son propre cosmos alors qu’elle s’affaissait peu à peu dans ses bras. Concentrée, Thétis poursuivait son œuvre, toujours avec cette même délicatesse que son mari admirait sans mot dire. L’empathie n’était pas son fort et il ne pouvait lui être d’aucun secours ; il ne l’encourageait pas moins par sa main chaude posée sur la nuque de son épouse qui se détendait en même temps que Rachel achevait de déverser son trop-plein de douleur.

Thétis ne s’était pas rendue compte qu’elle avait fermé les yeux et lorsqu’elle rouvrit, ce fut pour découvrir le visage apaisé de la Grecque. Ce n’était cependant qu’un répit ; les jours à venir seraient difficiles, peut-être mêmes les mois. La réflexion n’était pas la sienne et, chagrinée, elle considéra Saga dont les pensées avaient assombri le front tandis que Kanon tressaillait à ses côtés.

« Je m’occuperai d’avertir les gens pour la cérémonie, intervint ce dernier de cette voix grave si semblable à celle de son frère, à quelques nuances près. Tâchez de prendre un peu de repos, tous les deux. »

Saga lui adressa un sourire de reconnaissance que Kanon accepta avec un clin d’œil et une pression sur son poignet.

« Ça va aller, murmura-t-il à son oreille, comme Thétis se levait à son tour. On en a vu d’autres. »

Temple du Bélier, Domaine Sacré, Sanctuaire, Grèce, fin juin 2006

Shura n’avait pas plus tôt tourné la poignée de la porte qu’elle se déroba sous sa main et qu’il faillit trébucher en avant quand le vantail s’ouvrit sur Shaka, un index sur les lèvres :

« Taisez-vous. »

Shura et Angelo opinèrent et, le pas précautionneux, pénétrèrent dans les appartements privatifs de Mü où le silence régnait. A l’instar de leurs pairs, le Bélier et la Vierge s’étaient réfugiés au calme : pour l’heure, nul n’avait à cœur de partager sa peine, pour ne pas en rajouter à celle des autres.

« Il s’est endormi », chuchota l’Indien en désignant le sofa au milieu de la pièce de vie.

Le Cancer s’approcha juste assez pour jeter un coup d’œil par-dessus le dossier : allongé de tout son long sur le flanc, Mü ronflait doucement, la tête enfouie dans un oreiller. Le visage à moitié recouvert par un entrelacs de mèches parme plus courtes encore qu’un an plus tôt, il semblait totalement inconscient de la présence de l’Italien juste au-dessus de lui.

« Qu’est-ce que tu lui as donné pour l’assommer à ce point-là ? Demanda Angelo à voix basse, tout en rejoignant les deux autres hommes dans le recoin qui tenait lieu de cuisine au maître des lieux.

— Une décoction de plantes dont un psychotrope assez puissant pour l’emmener loin d’ici, au moins pour quelques heures. »

Les traits de Shaka étaient creusés par la fatigue et l’inquiétude au point que l’Italien tira, ou plutôt souleva une chaise à son intention pour l’obliger à s’y asseoir tandis que Shura, désignant un pot en porcelaine à l’attention de l’Indien avec un air interrogateur, obtenait son aval d’un hochement las de la tête.

« On a tous besoin de dormir, fit Angelo qui s’était accroupi aux pieds de Shaka, s’appuyant du coude sur ses genoux pour conserver un équilibre qu’il n’avait plus l’énergie de maintenir. Alors tu vas aller te pieuter à ton tour, et nous on va prendre le relais. Tu en as assez fait pour aujourd’hui.

— N’allez pas croire qu’il ne voulait pas de vous, c’est juste que…

— … c’est un putain de masochiste qui prend plaisir à se martyriser tout seul dans son coin. T’inquiète, je maîtrise le sujet. »

Shura ne se retourna pas, mais la légère contraction de ses épaules tira un sourire à Angelo qui rajouta, goguenard :

« Et plutôt deux fois qu’une.

— Tiens. »

La tasse tendue avec autorité par Shura sous le nez de Shaka avait aussi pour but de faire taire le Cancer et y réussit, ou à peu près. Celui-ci laissa Shaka savourer son infusion brûlante avec un stoïcisme consommé et lorsqu’il en fut à la moitié, reprit avec gravité cette fois :

« Tu crois que ça va aller ? Pour lui ?

— Et pour vous ? Répondit l’Indien du tac au tac. Que je sache, vous faites partie de la même croix.

— C’est vrai, mais…

— … nous sommes deux, acheva Shura qui s’était appuyé de la hanche contre l’évier et avait croisé les bras. Lui, il est tout seul désormais. »

Parfois, Shaka s’était essayé à imaginer, alors qu’il voyait Dôkho décliner et le moral de Mü avec, à quoi pourrait bien ressembler son existence si, demain, Thétis venait à disparaître. Ou Kanon, ou Aioros. Il lui avait semblé que tant qu’elle serait là, pas forcément à ses côtés mais quelque part là où il saurait la retrouver, il pourrait supporter la perte de l’un de deux autres membres de la croix mutable. Par contre, si c’était elle qui du jour au lendemain disparaissait de ce monde… Il n’avait pas poussé la réflexion plus loin devant la brutalité de son soudain sentiment de désespoir.

« Ce sera compliqué, admit-il. Vous savez comme moi à quel point son statut lui pèse. Tant que Dôkho était encore là, ça allait. A peu près. Mais à présent, entre sa disparition et l’impasse dont il n’arrive pas à se sortir avec les armures, c’est… »

Angelo eut un geste d’impatience :

« Bon sang, on en est encore là ? On ne les trouve pas et elles ne reviennent pas, qu’on passe à autre chose ! Il a fait tout ce qu’il a pu. Si Saga n’est pas foutu de comprendre que…

— Ça fait un moment que ce n’est plus Saga qu’il faut incriminer.

— C’est encore pire.

— Tu n’as qu’à essayer de lui faire entendre raison. Moi, je n’y arrive pas. »

La tristesse de la Vierge était palpable et Angelo lui cogna le genou avec la bague en argent sertie autour de son majeur, s’attirant un regard surpris :

« Faudrait voir comment tu t’y es pris, aussi.

— Pas sûr que la méthode du coup de pied au cul soit ce qui fonctionne le mieux avec Mü, intervint Shura.

— Tu parles en connaissance de cause ?

— Je. T’emmerde.

—A deux heures du matin ? Ce n’est pas un peu trop tard pour ça ? Ou trop tôt ? »

Le rire cristallin de Shaka jaillit et ils se turent avec un regard complice. Bien vite cependant, la Vierge se mordit les lèvres pour ne pas réveiller Mü mais ses grands yeux bleus continuèrent à pétiller, illuminant brièvement son visage épuisé.

« Merci d’être venus, fit-il, les mains jointes sous son menton tandis qu’Angelo se redressait avec une grimace, son genou gauche se dépliant dans un craquement suspect. Je vous le confie : je ne doute pas une seconde qu’il sera entre de bonnes mains, acheva-t-il dans un gloussement discret.

— Sois tranquille. »

Ils passèrent tous les trois à côté du sofa sans que Mü bougeât un cil et se serrèrent la main, Shaka récupérant sa veste avant de disparaître. Saga avait levé la plupart des scellés sur le Domaine Sacré ; il ne mettrait pas plus de quelques secondes à regagner sa demeure.

« Bon. Toujours pas sommeil ? Demanda Angelo à voix basse en se retournant vers Shura, les bras étirés vers le ciel avant de les replier derrière sa tête.

— Je te laisse la primeur.

— Une vieille habitude, pas vrai ? »

En d’autres temps Shura aurait laissé échapper un rire, de ceux aux accents parfois désespérés qui l’avaient accompagné pendant les premières années de son “amitié” avec Angelo – pardon, le Masque de Mort – quand le besoin de mettre de la distance avec les exactions du Chevalier d’or du Cancer se faisait urgemment sentir. Angelo, lui, persistait à en plaisanter, y compris dans les moments les plus incongrus. Surtout dans ces moments-là, d’ailleurs.

En l’occurrence Shura ne releva pas et devant son air fermé, l’Italien admit son échec et désigna l’unique table des lieux :

« Passe-moi les cartes dans le tiroir et attrape le tapis », l’enjoignit-il tout se laissant tomber sur une chaise avec un soupir. La nuit allait être longue.

Alors qu’il s’apprêtait à distribuer, il avisa du coin de l’œil la porte d’entrée qui s’entrouvrait.

« Shaka ? Tu as oublié quelque chose ? »

Pas de réponse, alors que le vantail s’immobilisait à mi-parcours.

Shura s’était penché pour lorgner sur le côté du canapé tandis qu’Angelo, lui, s’était levé. Et sous leurs yeux ébahis, un gros chat noir et blanc traversa la pièce en trottinant depuis la porte jusqu’au sofa qu’il contourna avant de bondir dessus.

« Mais… ! » La main de l’Espagnol agrippa cependant la ceinture de son compagnon pour l’empêcher de se saisir de la bête.

« Regarde. »

Le chat, ou plutôt le matou, longea d’une patte légère le corps de Mü qui ne bougeait toujours pas. Puis, sans autre façon, il s’enroula sur lui-même, poussant de son dos imposant la hanche de l’Atlante qui grogna dans son sommeil, et se lova contre son ventre.

Les yeux de Mü étaient restés fermés. Son souffle, paisible. Mais sa main, elle, avait trouvé la fourrure du félin qui se mit à ronronner.

Asgard, Juin 2006

Elle était partie aussitôt et avait sollicité Sigmund pour lui servir d’escorte. Si Freyja avait pris de bonne grâce le relais de sa sœur afin d’assurer la poursuite des audiences du jour, Siegfried avait vaguement protesté, arguant qu’il n’y avait pas d’urgence à la minute. Le choix de son frère cadet par Hilda avait cependant adouci sa réprobation et ce n’était pas sans une certaine fierté qu’il avait regardé leurs chevaux s’éloigner ensemble du Palais.

Le temps était beau et chaud et aurait pu être considéré comme tout à fait agréable si cette journée ne succédait pas à vingt-quatre heures de pluie mêlée de neige, avec des températures qui n’avaient pas décollé du zéro degré Celsius. Le contraste était saisissant.

« Peut-être aurons-nous une tempête demain ? Plaisanta Hilda, tirant un sourire mi-figue mi-raisin au guerrier qui l’accompagnait :

— Beaucoup de jeunes pousses n’ont pas résisté au coup de froid de ces derniers jours.

— Je suis au courant. »

Le visage de la souveraine avait recouvré son sérieux coutumier et Sigmund s’en voulut de lui avoir reproché implicitement son insouciance : Hilda de Polaris n’avait-elle pas le droit, ne serait-ce que quelques instants, de relativiser les sujets d’inquiétude qui s’empilaient chaque jour un peu plus sur son bureau pour mieux en supporter la charge ?

« Et une canicule après-demain ? suggéra-t-il alors avec un sourire. Qui sait : peut-être serait-il temps d’envisager de planter quelques bananiers ? A l’abri et orientés au sud… Nous pourrions avoir une surprise. »

Il fut heureux de l’entendre rire :

« Cela ferait merveille sur la table du solstice d’hiver ! »

Ils progressaient à une bonne allure malgré la terre détrempée et moins de deux heures leur suffirent pour atteindre la grève nord-ouest et les quelques maisons regroupées autour d’un unique ponton auquel étaient amarrés trois bateaux de pêche.

« Nous ne vous attendions pas avant plusieurs jours votre Altesse », fit une voix forte et bourrue alors qu’apparaissait un homme courtaud mais trapu, à la moustache aussi épaisse et aussi brune que les cheveux qui se dressaient en brosse sur son crâne. Vêtu de cuissardes et de cuir imperméabilisé par une épaisse couche de graisse, il plia un genou pour la forme et parce qu’il ne pouvait guère se baisser plus. Sautant agilement à bas de sa monture, imitée par Sigmund, Hilda le salua à son tour sans autre cérémonie :

« Ton fils m’a parlé des glissements de terrain. J’ai préféré venir me rendre compte de la situation tout de suite.

— Je te sais gré de ta considération, répondit respectueusement celui qui était le chef du hameau et le représentant des pêcheurs de la côte asgardienne. Nous ne voyons pas souvent ceux de la ville par ici. »

Ville était un bien grand mot pour qualifier le Palais et l’ensemble des quartiers qui, à force de l’encercler au fil des siècles, avaient fini par constituer une bourgade de taille respectable à l’échelle de l’enclave, où se trouvaient désormais les métiers et services dont tout un chacun pouvait avoir besoin. Le corollaire de ce regroupement résidait dans les besoins sans cesse plus concentrés de la population en termes de denrées alimentaires notamment. De ce point de vue, Hilda ainsi que ses prédécesseurs avaient mis sur pied une organisation désormais bien rodée afin d’assurer les approvisionnements ; ce dispositif nécessitait néanmoins de garantir la production, dont les pêcheurs asgardiens étaient partie prenante. La corporation était cependant réputée pour son indépendance et son autonomie, justifiées par l’éloignement géographique. Aussi le constat de l’homme tombait-il juste : peu de gens se déplaçaient jusque sur les rivages d’Asgard sans une bonne raison.

D’autres habitants étaient sortis de leur demeure, des pêcheurs et leurs épouses qui observaient Hilda et Sigmund sans un mot. Et pas d’enfants, évidemment.

« Vous êtes tous à terre. »

Ce n’était pas une question mais l’homme hocha toutefois la tête :

« Oui, ainsi que ceux des trois autres hameaux plus au nord. Ça ne sert à rien de sortir les bateaux votre Altesse : nous gaspillerions notre carburant.

— Peux-tu nous montrer ?

— Le mieux c’est par la mer, répondit-il après une hésitation. Par la terre, les chemins se sont écroulés et…

— Va pour la mer dans ce cas. »

L’homme pivota sur lui-même et héla un de ses collègues qui se précipita vers le bateau le plus proche. Bientôt, le ronronnement robuste du moteur remplaça le tintement des câbles et le cri des goélands ; Hilda adressa un signe de tête à Sigmund qui lui emboîta le pas et bientôt ils furent sur le pont, dûment équipés de gilets de sauvetage et des consignes de sécurité de rigueur. Ils n’en avaient, de par la nature active de leur cosmos, aucun besoin ; toutefois, parce qu’ils ne voulaient pas froisser leurs hôtes et qu’Hilda était soucieuse de se rendre compte par elle-même de la réalité du quotidien de ces gens, ils obtempérèrent sans discuter.

Une fois sorti de la rade, l’embarcation accéléra et le vent, qui n’était plus si agréable au fur et à mesure qu’ils quittaient l’abri des terres, s’insinua désagréablement par la moindre ouverture de leurs vêtements. Machinalement Hilda rajusta son col ; son cosmos pallia ses autres inconforts. Sigmund s’était porté à la proue, et se faisait expliquer le fonctionnement du bateau ainsi que les principales méthodes de pêche employées. Le clan des Dubhe tirait sa richesse de la terre et Sigmund était un garçon curieux : Hilda ne put retenir un élan d’attendrissement pour le jeune guerrier dont l’attachement lui était une bouffée d’air frais. Siegfried lui était toujours aussi précieux, bien sûr, mais ce qui ne se passerait jamais entre eux avait fini par peser dans son quotidien ainsi que dans celui du guerrier divin d’Alpha supposait-elle. Qu’il pût se reposer sur son frère cadet pour assurer sa protection ne pouvait que leur être bénéfique à tous les deux.

L’ampleur du désastre leur fut dévoilée brutalement au détour d’un éperon rocheux que le bateau contourna à petite vitesse après avoir réduit les gaz. Plusieurs pans de la falaise s’étaient décrochés et avaient dévalé jusqu’à la mer, laissant derrière eux des loupes de glissement d’une taille plus que respectable.

« Cent à deux cents mètres chacune, précisa le représentant des pêcheurs qui avait rejoint Hilda et suivait son regard. Il y en a tout le long du rivage, jusqu’à la frontière norvégienne. Attention, tenez-vous bien au bastingage : on va s’approcher et il y a des débris dans l’eau. »

Des débris totalement invisibles, même aux yeux les plus aguerris nota-t-elle avec consternation alors que la coque fendait une eau si chargée en limons et en matières en suspension qu’elle faisait penser à du café au lait. Rien ne s’entrevoyait sous ce voile d’une opacité totale qui s’étalait sur plusieurs centaines de mètres vers le large. Et à terme, plusieurs kilomètres comme elle le devina en avisant l’air soucieux des deux hommes qui les accompagnaient.

Ils furent bientôt en vue d’un nouveau hameau, guère plus gros que le premier. Là encore, des gens se tenaient sur le seuil de leurs portes pour regarder passer le seul et unique bateau qu’il verrait aujourd’hui et dans les jours à venir.

Puis un autre. Et encore un autre. Avec à chaque fois d’autres Asgardiens, d’autres regards et d’autres silences.

Ils finirent par accoster au dernier ponton avant les terres norvégiennes. Là ne se tenaient que des hommes ; leurs femmes logeaient plus à l’intérieur des terres pour mieux se protéger des éléments. A cet endroit, la grève avançait loin dans la mer et constituait la partie la plus exposée de toute l’enclave.

Les cordes furent amarrées avec force grognements et autres interjections à l’accent rude. Du norvégien se mêlait à la langue asgardienne qui n’en était pas si éloignée, mais qui avait malgré tout évolué de manière différente. Hilda et Sigmund les comprenaient néanmoins aussi s’adressa-t-elle à celui qu’elle identifia comme étant leur porte-parole :

« Je n’avais pas imaginé que les dégâts étaient aussi importants. Avez-vous la possibilité de vous éloigner pour pêcher dans des eaux plus claires ? »

Tout d’abord, il ne répondit rien, se contentant de la dévisager avec assez d’insistance pour que Sigmund se rapprochât insensiblement d’elle. Le représentant qui les accompagnait intervint :

« En cette saison, cela ne présente pas d’intérêt car les espèces plus au large vivent en profondeur et nous ne sommes pas équipés pour les prélever.

— Et si nous sollicitons des droits de pêche temporaires auprès de la Norvège ?

— Parce que vous croyez qu’ils sont mieux lotis que nous ? »

L’intervention fut si inattendue et proférée sur un ton si brutal qu’elle sursauta bien malgré elle, sans pour autant se départir de la neutralité qu’elle s’efforçait de conserver dans son attitude et dans sa voix.

« C’est à dire ?

— Chez eux non plus, les terrains n’ont pas tenu à l’issue de la fonte des neiges. Leurs côtes sont dans le même état que les nôtres et comme pour nous, chaque année c’est de pire en pire.

— La maison de mon frère s’est écroulée ! Lança un homme, demeuré en arrière, les mains dans les poches et l’air hostile.

— Si je ne peux pas pêcher cet été, ma famille et moi allons devoir partir, renchérit un autre. Mais pour aller où ?

— C’est vrai ça ! Et pour faire quoi ? Travailler la terre ? Ils sont tous déjà en train de crever de faim nos paysans ! Il n’y a plus rien qui pousse !

— Si c’est pour finir à la ville, et vivre de la charité, merci bien ! »

Sigmund avait tenté d’adopter le même air sévère que son aîné maîtrisait avec un art consommé : en vain. La colère de ceux qui leur faisaient face n’avait cure de ce genre de démonstration et il lança un regard désolé à Hilda. Il ne savait pas comment l’aider.

La jeune femme restait stoïque. En venant ici, elle savait à quoi elle s’exposait. Elle savait ce qu’on n’allait pas manquer de lui reprocher, ce qui arriva toutefois plus vite qu’elle ne l’avait présagé :

« Le climat ne devrait pas se détraquer comme ça », fit le premier du groupe qui s’était exprimé. Sa colère ne s’était pas dissipée et il gronda encore :

« C’est vous qui devez faire en sorte que ces choses-là n’arrivent pas, que les neiges tombent quand elles doivent tomber, qu’elles fondent quand elles doivent fondre et que les sols ne dégèlent pas. Pourtant elles arrivent. Pourquoi ?

— Ma fille… »

Un dernier homme n’avait pas encore parlé. Assis sur une caisse renversée, il n’avait pas quitté Hilda des yeux depuis son arrivée.

« Ma fille, reprit-il d’une voix enrouée, a été tirée au sort l’année dernière. Elle était fière d’accomplir son devoir d’Asgardienne. Sa mère avait déjà été mise à contribution quelques temps plus tôt, elle savait de quoi il retournait mais ça ne l’a pas empêchée de vous offrir son cosmos. Seulement, elle n’était pas en très bonne santé, ma fille. On s’est inquiété, on a voulu prévenir le Palais mais elle nous a supplié de ne rien faire. Alors on l’a regardée mourir. »

Le silence se fit. Personne ne regardait l’homme, pas même Sigmund. Hilda, elle, avait mis son regard dans le sien.

« Est-ce que ma fille est morte pour rien ? Lui demanda-t-il d’une voix très basse que tous entendirent pourtant.

— Oui. »

Une inspiration collective se bloqua brusquement tandis que Hilda se rapprochait de l’homme avant de s’immobiliser à moins d’un pas de lui.

« Je suis désolée. Je suis… »

Sa voix chancela pendant une fraction de seconde. Puis elle reprit d’une voix légèrement enrouée :

« Ta fille a été très courageuse. Tous les Asgardiens sont courageux, forts et fiers. Chacun d’entre vous mérite le meilleur pour lui et pour sa famille parce qu’il a accepté de rester sur la terre qui l’a vu naître, et choisi de se consacrer à elle et à tout ce que cela implique. Pendant des millénaires – elle se retourna pour passer en revue les présents – Asgard a respecté sa promesse faite à l’humanité, à nos frères et à nos sœurs de par le monde, en contrôlant le climat afin qu’il soit favorable au plus grand nombre dans le respect des cycles naturels de notre planète. Mais aujourd’hui, nous ne savons plus comment tenir cette promesse. Je ne sais plus. Nous avons accentué nos efforts de toutes les façons imaginables, vous le savez aussi bien voire mieux que moi, vous qui avez tous dans vos familles des proches qui ont apporté leur contribution, qui y avez peut-être vous-mêmes consacré quelques mois. Mais bientôt, tous ces efforts-là deviendront insuffisants eux aussi. Sauf à ce que nous sollicitions encore plus de monde, et sur une durée encore plus longue. »

Elle rendit son regard au père en deuil qui la dévisageait sans mot dire, puis :

« Ce ne sont pas les mots que vous attendiez de ma part, j’en suis bien consciente mais… »

Elle releva la tête, les scrutant les uns après les autres, jusqu’à s’arrêter sur le visage de Sigmund, bouleversé :

« … Je n’en ai pas d’autres, parce que je ne veux pas, je ne veux plus vous mentir. »

Je ne peux plus !

Le guerrier de Thêta se crispa comme s’il venait de recevoir un uppercut dans le ventre. Les autres restèrent silencieux et ce fut ce silence, à la fois lourd et étrangement respectueux, qui accompagna Hilda et Sigmund lorsqu’ils remontèrent sur le bateau et que celui-ci prit le chemin du retour.

Un moment, le représentant des pêcheurs vint à la hauteur de Hilda, qui tourna vers lui son visage battu par les mèches argentées de ses cheveux malmenés par le vent :

« Votre Altesse… Vous auriez pu ne pas venir. Merci de l’avoir fait.

— Je suis désolée.

— Vous l’avez déjà dit. »

Elle eut un petit sourire triste :

« Je crains d’avoir à le redire.

— Qu’allons-nous devenir ? Je ne parle pas seulement de nous autres les pêcheurs mais de nous tous, les Asgardiens.

— Est-ce que tu as confiance en toi, Gunnar ?

— … Oui.

— C’est bien. Nous tous, nous devons avoir confiance en nous-mêmes et les uns envers les autres. Je crois… je crois que c’est cela qui nous sauvera.

— Mais si nous ne pouvons plus assumer notre devoir ?

— Alors peut-être qu’un nouveau futur s’écrira. »

[1] « Fragments » – Chapitre 25

[2] « Une deuxième chance » – Chapitre 25 – partie II

4 réflexions sur “Nouvelle Ere – Submersion – Chapitre 29

  1. Très beau passage entre Angelo et Dohko. Le Cancer est bien trop pudique pour tout dire mais pour une fois ses pouvoirs macabres lui auront bien servi.

    Mu est bien amoché on dirait. ‘Sais pas ce que Shaka lui a fait prendre comme « calmant », mais ça a l’air costaud.

    Et on termine en « beauté » avec un Asgard en train de se déliter. Au moins, Hilda ne se voile pas la face et assume son rôle de manière magistrale. Quelle femme !

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    • A la base, j’aurais préféré intégré toute la première partie de ce chapitre au précédent mais ce dernier aurait été trop long (… par rapport aux standards actuels de lecture, à savoir l’incapacité devenue chronique du plus grand nombre à rester concentré plus de 5 mn). On fait comme on peut XD Quoi qu’il en soit, ce passage était nécessaire, tant par rapport à ce qui s’est passé dans UDC et dans Fragments que par rapport à ce qui se passera dans NE et après (oui. Je vois loin). Et Dôkho n’a pas besoin, finalement, qu’Angelo en dise plus : je pense qu’il a deviné, peut-être pas tout en détail, mais il sait. Peut-être même que Shion à l’époque a pu lui laisser entendre des choses, va savoir ! Et sinon, oui, je pense que cette ultime conversation sera utile au Cancer même s’il est encore trop tôt pour qu’il en ait conscience.

      Mü prend cher, le pauvre…. Le deuil va être compliqué pour lui. Quant à la pharmacopée de Shaka, moi j’dis qu’il faut toujours se méfier des hippies XDDD

      Hilda, je l’aime d’amour ♥ Son pays c’est elle, et elle est son pays. Sa douleur et son impuissance sont à l’échelle de ce qu’Asgard subit et elle en assume la souffrance collective. Comme d’habitude, je me suis totalement appuyée sur le « canon » (on se comprend), j’en utilise la base pour l’intégrer à une approche plus réaliste. J’espère que ce je vais en faire continuera à te plaire 😉

      Un grand grand merci pour ta lecture et ta fidélité !

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