Paris, France, Mars 2006
L’attraction exercée par le mur sur la tête du Cancer fut la plus forte : son front cogna contre le carreau humide et resta là, immobile. Il n’y avait mis aucune puissance, hormis celle de la lassitude. Rien qui risquait d’alerter Marine.
La douleur derrière ses yeux avait encore grimpé d’un cran dans la nuit et la lumière qui tombait du plafonnier de la salle de bains ne l’aidait pas à desserrer les mâchoires. A ce compte-là, il n’allait pas tarder à se casser une dent ou pire encore, l’une de ses innombrables couronnes en céramique. Esthétiques, certes, mais définitivement trop fragiles.
Portant le bout des doigts à ses tempes, il les fit rouler dans un sens puis dans l’autre au rythme ralenti de sa respiration. Qui s’approfondit au fur et à mesure que son esprit se détachait de son enveloppe corporelle, le temps d’en oublier la douleur. Non, les douleurs. Son corps n’était plus qu’un patchwork bigarré de souffrances qui tétanisaient ses muscles et torturaient ses articulations.
Même Dôkho est dans un meilleur état que moi, je parie.
Bon, d’accord. Peut-être pas.
Mais pas loin.
L’eau bouillante giclait sur ses épaules tandis qu’une vapeur épaisse remontait depuis le bac de douche pour envahir la cabine toute entière dont il n’avait pas bougé depuis de longues minutes : l’atmosphère devenait suffocante.
Il finit par s’appuyer de ses deux poings fermés contre le carrelage mural et rentrant le menton, il tendit les bras. Ses vertèbres craquèrent en cascade, lui arrachant une grimace mais la plainte resta renfoncée dans sa gorge. Bordel. Bientôt, même le ruissellement de l’eau sur la peau suppliciée et insensible de son dos lui devint insupportable et il s’arracha au cocon protecteur de la douche pour s’envelopper en grelottant dans sa serviette. Alors qu’il faisait quarante degrés dans la pièce.
Au moins.
Il ne voyait pas son visage dans le miroir couvert de buée et n’en éprouvait pas spécialement l’envie. Sa gueule de déterré, il l’imaginait tout seul comme un grand, merci bien. Et le regard critique, voire passablement inquiet, de Marine depuis plusieurs jours n’aidait pas beaucoup à sa motivation.
D’une façon ou d’une autre, il devait se reprendre. Et vite. Parce qu’on n’avait pas idée, à son âge, de se traîner comme un vieillard au bord de la tombe. L’inconfort induit par les changements météorologiques au droit de ses fractures les plus récentes, soit ; l’impression de passer chaque matin sous un rouleau compresseur, non, ça ne pouvait pas continuer.
Rassemblant ses maigres réserves de courage, il ouvrit le vasistas pour laisser s’échapper la vapeur et d’un geste, essuya la condensation sur la glace. Putain, c’est pire que tout. Trois jours qu’il ne s’était pas rasé pour ne pas être témoin du désastre. En plus.
D’un geste machinal, il passa sa lame sous l’eau chaude avant d’étaler la mousse sur ses joues et son cou. Ce faisant, il surveillait son propre reflet d’un œil noir. Se morigénait. S’invectivait. Bientôt, le rasoir ripa contre le silence et contre sa peau. Une première fois. Une deuxième. Rinçage. Du sang.
Le souvenir remonta à toute allure à la surface de son esprit qu’il transperça sans délicatesse. Un miroir brisé dont les éclats hérissaient le sol. Le reflet entaillé d’un visage livide et amaigri, en proie au désespoir. Un autre regard, un autre matin, un autre rasoir. Une vigilance, différente. Une attention, extrême. La peau de Shura était ressortie indemne de la séance, lisse et fleurant bon la mousse à raser lorsqu’il avait reçu sa bouche sur la sienne. Marrant. Il ne s’était pas rendu compte qu’il en avait retenu l’odeur.
Le rasoir tomba au fond du lavabo lorsque ses doigts se détendirent et en lâchèrent le manche tout à coup. Ses yeux s’agrandirent démesurément : son cosmos venait de se réveiller.
* * *
Ce fut Marine qui le traîna hors de la salle de bains pour le balancer comme un sac le sofa. Il s’y reçut les membres en désordre et la serviette en vrac, avant de se détourner en fermant les yeux quand sa tête croisa un rayon de soleil.
« Je peux savoir ce qui t’arrive ? »
Les mains sur les hanches, élégante dans son pull près du corps et sa jupe crayon, elle se surplombait de toute sa taille augmentée d’une dizaine de centimètres de stilettos.
« Hé ! » L’interpella-t-elle encore sans pour autant le toucher.
Lourdement, il bascula sur le dos et, ramenant d’une main sa serviette sur lui, il écrasa l’autre sur son visage en rigolant.
« Contente de savoir que ça te fait rire… »
Entre ses doigts écartés, il la vit s’éloigner, hésiter, puis revenir vers lui. Elle était en colère, oui, mais pas seulement. Il percevait son anxiété aussi sûrement que s’il s’agissait de la sienne propre.
Peut-être bien parce toi aussi, tu n’en mènes pas large.
« C’est mon cosmos. Il part en vrille.
— Pardon ? – Elle se pencha sur lui, soupçonneuse – tu te fiches de moi ?
— J’aimerais bien. »
Il se frotta la nuque tout en achevant tant bien que mal de se redresser et ils restèrent un moment à se dévisager, lui nu sous un bout de serviette et le coussin qu’il venait de positionner avec précision au droit de son intimité, elle habillée et maquillée pour aller assister au vernissage de quelque ami peintre.
Avec un soupir, elle s’installa dans le fauteuil d’en face :
« Qu’est-ce que c’est que cette histoire, encore ?
— Je ne sais pas vraiment. Disons que… Tu vois, quand on était ado et que ça se réveillait sans prévenir ?
— Non, je ne vois pas.
— … Ah d’accord – Angelo esquissa un sourire sarcastique – Madame faisait partie des “élus”, de ceux qui se trimballent avec un cosmos opérationnel sous le bras depuis qu’ils sont sortis du ventre de leur mère. Tu ne me l’avais jamais dit.
— Tu ne me l’avais jamais demandé. “Ça se réveille”, tu disais ?
— Ouais. Mais en l’occurrence, je ne vois pas bien comment je pourrais te l’expliquer.
— Fais un effort ? » Suggéra la Grecque, pince sans rire.
Ce fut au tour du Cancer de souffler. Puis, après quelques secondes empreintes de mauvaise volonté :
« Je ne le contrôle plus, grommela-t-il. Au lieu de demeurer à son niveau habituel de veille quand je ne le sollicite pas, il s’enflamme sans prévenir. Parfois, ça ne dure qu’un instant, parfois plusieurs minutes, sans que je puisse rien y faire. Et comme ma propre volonté n’a rien à y voir, c’est lui qui “m’utilise”. Il se nourrit de l’énergie propre à mon corps si tu préfères, précisa-t-il d’une voix morne devant les sourcils de Marine, froncés par l’incompréhension.
— Je ne savais pas que ça se passait de cette manière pour les gens qui…
— Pour les handicapés de naissance tu veux dire ? Coupa-t-il, sardonique. Tu te rends compte de l’expérience unique et exceptionnelle que tu as loupée ? »
Le coussin expédié avec humeur en direction d’Angelo fut évité d’un cheveu et rejoignit son semblable sur ses genoux.
« D’accord mais, pourquoi maintenant ?
— Je n’en sais trop rien. »
En fait, si. Tu sais.
La ferme.
« Comme je te l’ai dit, ce genre de phénomène se produit pendant l’adolescence, ou à la fin de l’enfance. C’est comme l’acné, mais en pire. Et comme tout le monde – enfin, presque tout le monde – j’ai eu ma part. Des deux. » précisa-t-il en sus avec un grand sourire devant l’air circonspect de la Grecque qui leva les yeux au ciel.
« Angelo… Ne te fiche pas de moi, tu veux ?
— Mais je ne me fiche pas de toi ! Je dirais que ça dure depuis deux mois mais je ne me suis pas vraiment inquiété vu que je sentais surtout ma jambe et mon avant-bras – il haussa les épaules – comme d’habitude depuis les Portes. Mais là… oui, c’est de pire en pire, admit-il, tandis que ses ongles ripaient contre la cicatrice de son pouce.
— Ça ne répond pas à ma question : pourquoi ? »
La voix de Marine s’était radoucie et Angelo se retrouva submergé par une vague de tendresse à son égard en avisant son regard brun et attentif posé sur lui. Elle était véritablement inquiète. Quelle espèce de frayeur lui avait-il fait lorsqu’elle avait poussé la porte de la salle de bains pour le retrouver recroquevillé sur le sol ? Crétin. Des semaines qu’il s’efforçait de ne rien laisser transparaître, même si quelques kilos perdus – lui qui avait plutôt tendance à les accumuler en temps normal – ainsi qu’un sommeil encore plus agité qu’à l’accoutumée auraient suffi à alerter n’importe qui. S’il lui en avait parlé…
Mais ce n’était pas possible. Un vide se creusa dans son ventre et il déglutit. Il faudrait dire la vérité. Toute la vérité. Y compris et surtout celle qu’il n’était pas bien certain de pouvoir contempler en face et encore moins de se l’approprier. Une part de lui-même savait très précisément de quoi il retournait. Tout le reste de son être renâclait, en proie à une multitude de contradictions inextricables au milieu desquelles il n’était pas prêt à plonger le petit doigt. Même si…
Même si tu sais que tu ne vas plus avoir le choix encore très longtemps.
D’accord. Mais en attendant :
« Écoute. »
Il s’était penchée vers elle, les deux coussins tombant sur le côté et la serviette de l’autre, et Marine eut un léger rire. Il attrapa ses mains :
« Il est possible que mon cosmos se soit un peu trop bien habitué à l’omniprésence de ceux de mes estimés confrères et que coupé d’eux trop longtemps, il me fasse un gros caprice.
— Mais l’année dernière, tu…
— L’année dernière – attention mon pote, terrain glissant – je suis resté en contact avec celui de Shura et le contrecoup des Portes était encore très présent. Alors je suppose – il secoua doucement la tête – que ça lui suffisait. Aujourd’hui, c’est différent. Mais… »
Le regard de Marine venait de glisser sur le côté, et l’éclat de tristesse qu’Angelo y surprit fut comme un coup de poing dans son estomac. Ce n’était pas tant à cette étrange relation à trois – Shura, Angelo et elle – qu’elle songeait, qu’à ce qu’elle évoquait à demi-mot à l’occasion, avant de changer brusquement de sujet. Elle n’était pas chevalier d’or. Elle avait le septième sens, oui, ainsi qu’un cosmos dont la teinte si caractéristique de l’élite du Sanctuaire n’était pas totalement absente. Sa puissance ne faisait aucun doute, de même que le respect que chacun lui vouait en regard de cette force comme du courage dont elle avait fait preuve près de deux ans plus tôt.
Mais jamais elle ne saurait se substituer à l’un des pairs d’Angelo. Ce lien si privilégié qu’il entretenait avec eux au travers de cette complétude et de cet absolu qui les unissaient au sein du zodiaque, l’en excluait, elle, selon une logique cruelle mais irréfutable. Ce qu’ils offraient au Cancer, elle ne pouvait pas le lui donner.
Vaguement penaud – mais pas trop – à l’idée coupable qu’il avait lu dans ses pensées, il poursuivit sa phrase en y mettant autant de conviction que possible :
« … c’est une question d’habitude. »
Du bout de l’index, il lui avait relevé le menton et, la tête penchée de côté, il la contemplait avec un sourire qui creusait une fossette dans sa joue gauche :
« Ce n’est rien d’autre qu’un mauvais moment à passer. D’ailleurs, ce n’est même pas si terrible. Faut croire que je me ramollis un peu avec l’âge.
— Tu es sûr ?
— Que ça va aller ? Évidemment. Et il y a plutôt intérêt, je te rappelle qu’on est censé assister à un mariage dans deux mois auquel je compte bien rappeler à chacun de mes camarades ce qu’est la véritable élégance.
— Non, je veux dire… – elle prit une inspiration – si tu choisissais de répondre aux exigences de ton cosmos, je comprendrais. Juste, j’aimerais que tu m’en parles.
— D’accord.
— Promets.
— La confiance règne à ce que je vois… Oui, d’accord – elle venait de resserrer ses doigts autour de ceux d’Angelo dont la douleur brève le rappela au bon souvenir du totem tutélaire de sa compagne – c’est promis. »
Pas mal.
« Mais on n’en arrivera pas là. »
Menteur.
Sanctuaire, Grèce, Mars 2006
Les comptes rendus rédigés par Aldébaran s’accumulaient sur la droite de son bureau, et ceux de Mü sur la gauche. Couleur verte pour les dossiers du premier, rouge pour ceux du second. Un choix peut-être pas si inconscient que ça, jugea Saga sans complaisance pour lui-même à l’idée du retard pris dans le traitement des deux piles, et plus particulièrement de celle consacrée aux armures encore et toujours portées disparues. Le Bélier lui avait fait parvenir une nouveau mémo ; il ne l’avait pas encore lu.
A quoi bon ?
Si Mü avait trouvé quoi que ce fût, il aurait passé outre la paperasse pour le contacter via le Surmonde. CQFD.
En quelques gestes précis, il débrancha l’écran déporté qui trônait au milieu de son bureau pour le décaler sur le côté et positionner son laptop ouvert en face de lui. Inutile de vérifier l’heure indiquée en bas à droite de la barre des tâches : le Grand Pope du Sanctuaire et Chevalier des Gémeaux avant qu’il n’en transmît le titre officiel à son jumeau savait qu’il n’était pas encore quatorze heures.
La porte de son bureau s’entrouvrit sur un plateau savamment équilibré au bout d’un bras, suivi d’un corps trapu et surmonté d’une tête grisonnante à la coupe toute militaire : Loukas en personne lui apportait son café accompagné d’une carafe d’eau et de quelques uns de ses sablés dont il avait le secret.
Tirant une cigarette du paquet aligné soigneusement avec son briquet au bord de son sous-main, Saga laissa échapper un rire :
« J’en ai déjà avalé une pleine assiette ce matin.
— J’en ai refait.
— Le sucre, c’est mauvais pour la santé.
— Mais c’est bon pour le moral, rétorqua le chef cuisinier avec aplomb. Mange. »
Loukas était déjà en passe de devenir le bras droit de son prédécesseur quand les jumeaux, âgés de dix ans à peine, exerçaient leur septième sens tout en rêvant à un avenir pavé d’or et de gloire. Cette ambition affichée sans vergogne ne les rendait pas moins gamins que leurs camarades, ni moins gourmands ; dès que leur père avait le dos tourné, ils se faufilaient dans le Domaine Sacré pour quémander un bonbon par ci, un gâteau par là auprès du jeune cuisinier, au point de constituer un véritable trésor de guerre mis en commun avec ceux des autres aspirants à la charge suprême.
Shion, que ce petit trafic amusait plus qu’autre chose, avait l’art de détourner le regard au moment le plus opportun même si, pour garantir la crédibilité de son ignorance, il lui arrivait de temps à autre d’attraper l’un ou l’autre des apprentis chevaliers, de lui faire les gros yeux puis de se laisser acheter avec bonne humeur en prélevant son dû au passage. En général, quelques biscuits que le gosse pris en faute lui abandonnait avec soulagement.
Parce que cette période de son enfance entrait dans la catégorie “bons souvenirs” – une catégorie qui avait cessé tout net d’être alimentée à la mort de sa mère – Saga avait conservé beaucoup d’affection pour Loukas qui le lui rendait bien. Le Pope n’avait pas oublié le gâteau de son que le Grec avait confectionné pour son frère et lui ce triste jour, et qu’ils avaient partagé tous les trois bien au chaud dans les cuisines, éloignés pour un temps du silence mortuaire qui avait envahi la maison familiale.
« Tu as l’air préoccupé, Grand Pope, rajouta Loukas. Plus que d’habitude, j’entends.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Le réfrigérateur a tendance à se vider entre deux et trois heures du matin ces derniers temps.
— Il se passe des choses étranges dans ta cuisine, mon ami.
— Tu trouves aussi, hein. »
Un sablé disparut tout entier dans la bouche de Saga qui haussa les épaules :
« Peut-être un peu plus, finit-il par admettre.
— Puis-je faire quelque chose pour toi ?
— Les fourrer à la figue, peut-être ? »
L’air faussement affligé, Loukas secoua la tête en levant les yeux au plafond comme Saga se levait et entreprenait de le raccompagner à la porte :
« Merci de te préoccuper de ma santé et avec de telles réserves – il désigna l’assiette qui débordait – je peux tenir un siège face au monde entier.
— Tu n’auras qu’à descendre te resservir si tu en veux encore.
— J’en prends bonne note. »
Saga avait encore le sourire en refermant la porte, sourire qui s’effaça alors que son horloge interne le rappelait à ses obligations.
* * *
La visio-conférence devait se tenir au moyen d’un logiciel crypté imposé par ses interlocuteurs et que le Pope avait fait installer sur son ordinateur par le jeune homme en charge des utilités informatiques du Sanctuaire. Il l’avait observé tandis qu’il œuvrait ; il n’avait pas tout compris et n’était pas certain d’avoir envie de comprendre. Même si Saga s’intéressait au sujet depuis toujours – il croyait fermement au progrès technique et à ses corollaires qui, de son point de vue, témoignaient de la supériorité de l’intelligence humaine sur toute autre considération plus ou moins fumeuse – les évolutions de l’internet depuis deux ans s’étaient singulièrement accélérées et il regrettait de pas disposer du temps nécessaire pour en suivre toutes les péripéties. Et de fait, le souci de sécurité exprimé avec insistance par ceux avec qu’il était sur le point de se converser ne laissait pas de l’interroger.
Un dernier coup d’œil derrière lui afin de s’assurer que son arrière-plan serait assez anonyme – un planisphère hérité de Shion que lui-même tenait de ceux qui l’avaient précédé – et il enclencha micro et caméra. Son épreuve du jour allait pouvoir commencer.
Il s’attendait à deux interlocuteurs ; ils étaient près d’une dizaine assis derrière une table en arc-de-cercle et qui le regardaient. Ou plus précisément, qui fixaient l’œil électronique juché au-dessus de l’écran sur lequel sa figure venait de leur apparaître. S’ils virent sa mâchoire se contracter, ils n’en firent pas état et le Secrétaire Général de l’ONU ouvrit la réunion :
« Monsieur Antinaïkos, je vous remercie d’avoir accédé à notre demande d’entretien : je sais que votre temps est précieux.
— C’est tout naturel. A mon tour de vous remercier pour l’efficacité de votre organisation, même si en vous voyant si nombreux, je doute que le créneau d’une heure initialement fixé soit suffisant ? »
Ce fut au tour du Secrétaire Général de se crisper. Lui et le Haut Commissaire, c’était ce qui avait été annoncé au Pope ; la présence à leurs côtés des représentants de plusieurs nations dont les États-Unis n’était pas prévue au programme.
« Nous ferons en sorte que cela le soit – le Secrétaire inclina la tête – et à cette fin, je vous propose d’entrer sans tarder dans le vif du sujet. Comme je vous l’ai indiqué lors de nos précédents échanges, le Haut Commissariat au Réfugiés a exprimé auprès de nous des inquiétudes en rapport avec l’augmentation notable des migrations liées à la succession de catastrophes naturelles de ces dernières années.
— En effet. »
Le Haut Commissaire, ancien premier ministre du Portugal pour ce qu’en savait Saga, avait étalé plusieurs feuilles sur la table devant lui et le poing qu’il ne cessait de serrer et de desserrer dans sa paume en disait long sur sa nervosité. Nommé l’année précédente, il n’avait pas encore eu l’occasion d’être confronté au Grand Pope du Sanctuaire et de toute évidence, tout avait dû lui être raconté à son sujet, ainsi que son contraire.
Il se racla la gorge avant de poursuivre :
« Les rapports du GIEC ont mis en évidence l’impact des activités humaines sur l’équilibre climatique du monde et bien que nombre de scientifiques questionnent à ce jour leurs prédictions, il n’en ressort pas moins que la part des événements de niveau quatre et cinq a gagné vingt points en dix ans, comparativement à la décennie précédente. Or, la population mondiale a elle aussi considérablement progressé et le nombre de personnes susceptibles de subir les conséquences de ces événements a, logiquement, augmenté lui aussi. »
Saga, le dos droit devant son écran et l’air impassible, tripotait son briquet hors champ sans pour autant l’allumer. Le micro était assez sensible pour que le claquement du Zippo s’entendît jusqu’à New-York. Allumer une nouvelle cigarette, cependant, le démangeait.
Où veut-il en venir ?
Comme si tu ne t’en doutais pas.
« Ceci étant, il apparaît une disproportion anormale entre la courbe d’évolution de la population dans son ensemble et celle de ce que nous désignons comme les réfugiés climatiques. En effet, même en pondérant ces évolutions par des critères géographiques, lesquels doivent bien entendu être pris en compte pour mesurer l’aléa météorologique, la démultiplication des écarts constatés demeure inexplicable. Je vous laisse en prendre connaissance par vous-même. »
L’image disparut pour laisser place à une série de graphiques et de cartes illustrées dont la présentation parlait pour elle-même sans qu’il fût besoin de commentaires. Des flèches pointaient les mouvements migratoires entre différentes régions du globe, superposées à des taux de fréquence ainsi qu’à la délimitation des zones reconnues comme étant à risques. Une corrélation logique de prime abord qui démontrait toutefois son emballement pour peu qu’on y regardât de plus près.
« Les flux sont en passe d’atteindre des niveaux que nous peinons à endiguer ou à gérer car les capacités des zones d’accueil se restreignent de jour en jour, reprit le Haut Commissaire dont le visage venait de réapparaître, de même que nos capacités financières. La reconstruction coûte de plus en en plus cher, dans des régions où le risque est considéré par les assurances comme de plus en plus incontrôlable. De ce fait, les gouvernements des pays concernés – il marque une pause, alors que les autres participants se dandinaient sur leurs sièges – sont aujourd’hui confrontés à des décisions difficiles, en ne disposant plus des infrastructures qui leur permettraient d’accueillir dans de bonnes conditions les populations qu’ils ont été obligés de déplacer.
— Ce que le Haut Commissaire essaye de vous dire, c’est que nous ne savons plus quoi faire de ces gens qui se rajoutent désormais à une migration économique dont le poids financier et social nous écrase, et que s’il nous incombe, à nous, de trouver des solutions à ce problème, il incombe au Sanctuaire d’accomplir sa part en ce qui concerne le climat. »
La personne qui avait – littéralement – coupé la parole au Haut Commissaire sous le regard désapprobateur mais résigné du Secrétaire Général était la représentante des États-Unis d’Amérique. Brune, les cheveux coupés au carré et vêtue d’un tailleur strict, elle questionna sans se départir de sa sécheresse :
« Parce que cela entre bien dans vos attributions, n’est-ce pas ? »
La réponse, tous ces gens la connaissaient aussi bien que Saga. Il n’en inclina pas moins la tête – à peine – et répondit sur le même ton.
« C’est le cas en effet. »
A présent qu’il avait eu le temps d’observer chacun des participants, il les reconnaissaient les uns après les autres. Quant aux nouveaux, il en déduisait la représentation eu égard aux absents.
Aux côtés des États-Unis se tenaient la Commission Européenne, ainsi que le Japon. Les cinq autres présents, eux, représentaient respectivement la Chine, l’Inde, le Mexique ainsi que deux pays du continent africain, l’Éthiopie et le Soudan. Difficile de deviner s’ils avaient été invités à cette réunion ou s’ils s’étaient invités. Leurs visages fermés et leur air résolu incitaient le Pope à pencher pour la seconde hypothèse, ce qui lui fut confirmé par le représentant indien, qui réussit à se montrer encore moins chaleureux que son homologue américaine :
« Dans ce cas, qu’attendez-vous pour agir ? Dois-je vous rappeler que ce sont plusieurs dizaines de milliers de morts et près de dix fois plus de déplacés que compte mon pays depuis la fin de la décennie précédente ? Entre les inondations, les glissements de terrain et la montée des eaux, des villages entiers ont été rayés de la carte, sans espoir de les relever un jour. Certaines régions sont à ce point sinistrées que les plus jeunes, alors même qu’ils n’ont pas encore été victimes d’une catastrophe, décident de tenter leur chance à l’étranger tant ils ont perdu tout espoir. L’Inde est riche de sa population, Monsieur Antinaïkos, pourvu qu’elle ait encore une terre à leur offrir.
— Ce sont près de quatre-vingt mille personnes qui sont mortes, rien que l’année dernière, suite à des événements climatiques, renchérit le représentant européen et sur les dix dernières années, nous dépassons désormais le million.
— Sans oublier les coûts, directs comme indirects, de ces catastrophes ; près de deux cents milliards de dollars en 2005, Monsieur Antinaïkos, dont près près de quatre-vingt dix rien que pour Katrina – le ton de l’Américaine était de plus en plus acerbe – à la suite du passage duquel mon pays peine toujours à se relever. »
Ils avaient bien préparé leur plaidoirie, aucun doute à ce sujet, nota Saga, blasé, non sans remarquer les regards et murmures indignés des représentants des pays les plus impactés à l’égard de leur homologue américaine qui, par ses propos, ne faisait pas mystère de la principale motivation de sa présence à cette réunion. Si le discours avait le mérite d’être honnête, il n’en était pas moins déplacé et ce n’était pas la première fois que le Pope du Sanctuaire estimait qu’une dose d’hypocrisie, fût-elle homéopathique, pouvait à l’occasion présenter des atouts insoupçonnés en terme de diplomatie.
« Je connais le rapport du GIEC : je l’ai lu, déclara-t-il une fois que le silence fût revenu et qu’il fut assuré de leur attention. Comme vous l’avez rappelé, si le climat change, c’est à nous-mêmes que nous le devons, à nos activités, à nos systèmes économiques, à notre développement depuis bientôt deux siècles. Et sauf bouleversement majeur, il ne semble pas que le changement en question puisse être enrayé. Je suis par conséquent en mesure de vous confirmer aujourd’hui que la restauration de l’équilibre climatique tel qu’il était encore il y a ne serait-ce que trente ans n’est pas et ne pourra plus être à l’ordre du jour. »
Sous l’effet de ses paroles et plus encore de son ton soigneusement étudié, entre gravité et autorité, ses interlocuteurs eurent pour la plupart un haut-le-corps, le plus remarquable étant celui de l’Américaine dont Saga crut qu’elle allait s’éjecter de son siège :
« Avez-vous seulement conscience du caractère inacceptable de vos propos ?
— Je vous retourne la question. »
La femme se figea, son teint pourtant soigneusement travaillé virant au livide, tandis que le Secrétaire Général baissait la tête sous le poids de l’accablement. Saga, qui le connaissait bien pour travailler de concert avec lui depuis près de dix ans à présent, éprouva à son égard un subit élan de sympathie : l’homme était bon et prenait à cœur un rôle souvent ingrat. Il avait connu des victoires mais aussi des défaites avec, pour principal adversaire, le pays dont le Pope venait de rappeler la représentante à l’ordre.
Son ordre.
« Nous, le Sanctuaire et Asgard dont j’assure la tutelle conformément aux accords de 1951 ratifiés par l’ONU, avons parfaitement conscience de la gravité de la situation et mettons tout en œuvre, depuis plusieurs années, afin de maintenir l’équilibre naturel de la planète autant que faire se peut, au regard des pressions qui s’exercent et sur lesquelles nous n’avons aucune prise. Les États-Unis l’ont par ailleurs indiqué tout à l’heure : les actions à mettre en œuvre pour tenter de limiter les effets du changement climatique incombent aux États.
— Nous ne mettons pas en doute votre parole, Monsieur Antinaïkos – le Secrétaire Général avait repris la parole, une main posée sur le bras du Haut Commissaire à ses côtés qui arborait un air défait – aussi, pouvez-vous nous expliquer pourquoi 2005, qui a été l’année la plus coûteuse de notre histoire, a-t-elle concentré autant de désastres ? Je connais vos efforts, ceux du peuple d’Asgard sans qui des millions d’hommes et de femmes de par le monde seraient morts aujourd’hui, mais… Nous ne comprenons pas. Ceux qui sont présents aujourd’hui ont pour obligation de protéger leurs populations, durement touchées l’année dernière et qui aujourd’hui réclament des comptes. Nous, organisation mondiale, devons assistance à ceux qui n’ont plus rien et à cet égard, sommes soumis à des dilemmes parfois inhumains. Si nous savions »pourquoi », alors peut-être pourrions-nous adapter nos actions et nos discours pour plus d’efficacité. »
Saga sut gré au Secrétaire Général de son tact et de son sens politique et si ce petit discours ne pouvait que générer de la frustration chez les autres participants dont certains étaient manifestement venus avec l’intention d’en découdre, il les rappelait par la même occasion à leurs responsabilités et à une retenue plus constructive. Oui, décidément, le Secrétaire Général de l’ONU le connaissait aussi très bien.
« Je n’ai pas de réponse, telle que vous aimeriez l’entendre, à vous apporter. »
La vérité, c’était une chose ; la partager en était une autre mais en l’occurrence le Pope n’avait nulle intention de mentir.
« Tout ce que je pourrais formuler ne serait que des hypothèses – certaines auxquelles je crois plus que d’autres – qui ne vous apporteraient que de la confusion et de l’incompréhension. Croyez bien que j’en suis désolé – les doigts croisés devant lui, il se pencha vers l’écran, le Haut Commissaire au Réfugiés refermant aussitôt la bouche sur son objection – d’autant qu’il apparaît nécessaire et urgent de résoudre ce qui est, autant pour vous que pour moi, source d’interrogations. Moi non plus, je ne m’explique pas les chiffres que vous avancez et dont j’ai également eu connaissance ces dernières semaines. Les… difficultés traversées par le Sanctuaire au cours de ces deux dernières années ont pu altérer ma vigilance ; à présent que notre situation est stabilisée, je vais m’employer à identifier le problème et à le résoudre.
— Auriez-vous l’obligeance de nous proposer un calendrier ? – la politesse japonaise venait de couper l’herbe sous le pied américain qui jeta un regard mauvais à son homologue – ceci afin que nous prenions les dispositions nécessaires en égard aux épisodes cycloniques à venir dans l’année. »
Un calendrier ? Les yeux de Saga obliquèrent en direction de celui punaisé sur le mur à sa droite. Sa visite protocolaire annuelle en Asgard, habituellement programmée courant janvier, avait été décalée en avril pour cause d’élections. Soit dans un petit mois environ. Il n’était toutefois pas certain d’y obtenir toutes les réponses aux questions, nombreuses, qu’il prévoyait d’aborder avec Hilda de Polaris. Quant à ce qui allait en découler, les dieux seuls étaient en mesure d’en estimer la temporalité.
Si tant était qu’il y eût quoi que ce fût qui en découlât.
Saga n’était pas un dieu – puisque les dieux n’existaient pas – ou plus – mais il était le Pope du Sanctuaire, aussi sa proposition valait-elle pour décision unilatérale :
« Une date à l’été pour notre prochaine réunion me paraît idéale.
— Ce sera parfait. »
Une fois encore le Secrétaire Général avait repris la main alors que des protestations se chuchotaient déjà autour de lui.
« Nous vous remercions pour votre écoute, Monsieur Antinaïkos, rajouta-t-il, et savons que nous pouvons compter sur votre soutien et votre aide, ainsi qu’il en a toujours été de votre part ainsi que de vos prédécesseurs. »
La visio-conférence s’acheva sans que Saga eût touché à quoi que ce fût. Tant mieux, ainsi on ne pourrait pas lui reprocher, en sus, de s’impatienter face à ses interlocuteurs. Par acquis de conscience cependant, il rabattit l’écran de son ordinateur avant d’allumer enfin la cigarette tant convoitée.
Bordel. De. Merde.
De nouveau son regard tomba sur les dossiers en déshérence, avant de dériver jusqu’au parapheur dans lequel ses secrétaires avaient glissé l’un des derniers lots à viser des factures inhérentes aux lourds travaux de réfection engagés un an et demi plus tôt et qui touchaient à leur terme. Enfin, rajouta-t-il in petto, non sans soulagement. La population de l’île, aussi restreinte fût-elle, commençait à se lasser – doux euphémisme – du vacarme quotidien des chantiers qui s’étaient succédé sans interruption depuis les Portes et chacun aspirait à recouvrer un peu de calme et de sérénité, sans oublier ceux forcés à résider hors de leur domicile trop endommagé lors du tremblement de terre et qui désespéraient depuis des mois de le réintégrer.
Tout autant de sujets de fond auxquels se rajoutaient Rachel et son »obsession » pour les manœuvres de feu son demi-frère – un terme commode mais peu charitable de sa part pour qualifier ce dont il savait qu’au fond, il devait le rajouter à la pile de ses préoccupations mais qu’il ne se sentait pas encore prêt à traiter – et la disparition du journal du général Corman, un incident mineur de prime abord mais qui l’irritait dès qu’il y songeait, ce qui n’augurait rien de très encourageant. Même l’idée du mariage prochain de son frère ne réussissait pas à le soulager de la masse écrasante de ses préoccupations.
Il fallait donc qu’à présent, il s’embarrassât d’Asgard en sus ?
Hilda, qu’est-ce qui se passe, bon sang ?
Hilda de Polaris. Il n’avait pas pensé à elle depuis des mois. Du moins, au-delà des contingences de son agenda. Pourtant il aurait dû, considérant que cette année était celles des élections auxquelles, sans surprise, elle se représentait. Il ne doutait guère de sa probable reconduction : son peuple l’aimait – non : l’adorait – et les voix des Asgardiens avaient coutume de s’accorder avec celles des chefs de clans qui les représentaient et dont les bulletins de vote allaient tomber dans l’urne.
Néanmoins, il la savait vigilante concernant la montée en puissance et en popularité du clan Megrez, avec Albérich à leur tête. Celui-ci avait contribué à l’entrée, certes timide mais bien réelle, d’Asgard dans le monde moderne. Et bien que le peuple tout entier, nobles comme roturiers, fût très attaché à son mode de vie ancestral, nul ne pouvait contester l’amélioration globale de son quotidien grâce aux innovations portées par les Megrez, devenus dans le même temps le clan le plus riche de l’enclave. Toute la question était désormais de savoir ce qui, de l’antipathie proverbiale suscitée par leur héritier ou de l’efficacité indiscutable de ses efforts pour le bien commun, l’emporterait dans le cœur des Asgardiens.
Non – Saga secoua la tête avec un léger rire – Albérich était décidément trop imbuvable. Ce ne serait pas encore cette année qu’il l’emporterait ! Fort de cette certitude, le Pope n’avait nulle obligation d’attendre les résultats du vote pour s’entretenir avec Hilda ; il hésita, avant de refermer son agenda ainsi que le Starwalker1 dont la plume en or et platine était gravée du sceau du Sanctuaire. Ne pas se précipiter. S’il ne remettait pas en question les constats dont les autorités mondiales venaient de lui faire part, il n’était pas non plus à un mois près. En outre, cela lui laissait le temps de préparer son entrevue avec Hilda. En bon Asgardienne qu’elle était, s’en laisser compter par le Sanctuaire ne faisait pas partie de son ADN quand bien même elle était probablement la souveraine d’Asgard la plus conciliante que le Sanctuaire eût connu depuis… Eût jamais connu. Ou pas loin.
Et on se demande bien pourquoi.
Il écrasa sa cigarette dans le cendrier en cristal, qui était vidé chaque jour par son intendant personnel. Il aimait bien ce cendrier, offert par Hilda plusieurs années auparavant lorsqu’à l’occasion de l’un des ses très rares déplacements au Sanctuaire, elle avait constaté que le Pope semait ses mégots dans les récipients les plus improbables. Il fumait beaucoup à l’époque, bien plus qu’aujourd’hui ; bizarrement, elle n’en était pas dérangée, elle qui n’avait pas une seule fois dans sa vie goûté à la moindre cigarette.
Hilda. Des deux mains, il ramena ses lourdes mèches bleu sombre sur l’arrière de sa tête, attrapant l’élastique en mousse noire qui cerclait son poignet pour lier sa chevelure dans le creux de sa nuque. Ce faisant, son regard tomba sur la petite dizaine de photographies encadrées sur la console près de la fenêtre : un Rachel âgée de seize ans lui souriait et il se surprit à lui retourner son sourire, un peu gêné.
Un de ces quatre, il allait bien falloir le lui dire.
Asgard, Norvège, Mars 2006
Il ne restait plus personne, sauf Albérich de Megrez. Toujours installé dans le siège dévolu à son clan autour de l’immense table du conseil, il restait là, observant Hilda qui soutenait le regard froid dont il la gratifiait.
« La prochaine fois, ce sera moi. En as-tu conscience, Hilda ? »
Il avait parlé tranquillement, ses longs doigts d’aristocrate dansant avec nonchalance sur le plateau taillé dans le même grès rougeâtre que les murs du château. Une améthyste de taille respectable jetait mille feux à son annulaire et à dire vrai, Hilda était sans cesse tentée de reporter son attention sur le bijou dont le pouvoir insidieux d’attraction n’était plus à prouver. Y céder l’aurait cependant obligée à baisser les yeux, ce à quoi elle se refusait : Megrez n’attendait que ça.
« La prochaine fois, ce sera dans trois ans, répondit-elle sur le même ton badin.
— Et ?
— Il peut se passer beaucoup de choses en trois ans. »
L’œil gauche d’Albérich – celui qui n’était pas occulté par la mèche qui masquait l’autre moitié de son visage – s’étrécit mais la jeune femme demeura impassible.
« Je ne vois pas, répliqua-t-il en détachant ses mots avec soin, ce qui pourrait changer d’ici là. Ce que tu pourrais changer.
— Les Asgardiens…
— Les Asgardiens sont des idiots – il l’avait interrompue avec brutalité – et ils ont toujours eu la mémoire trop courte.
— Ce n’est pas ce que tu disais tout à l’heure, lorsque le vote a semblé tourner à ton avantage. »
La mâchoire d’Albérich se contracta, mais il ne répondit rien. Il y avait cru, pourtant. Autant de voix d’avance, c’était inespéré. Et puis… Et puis. Le fief des Dubhe demeurait encore et toujours le plus peuplé et leur allégeance aux Polaris était séculaire. Il n’y avait dès lors aucune raison que le résultat du vote fût différent de ce qu’il était depuis toujours. Ou presque. Il n’en restait pas moins qu’au fil du temps, les rapports de pouvoir tendaient à se rééquilibrer. Hilda n’était plus la souveraine toute puissante et révérée par tous depuis sa première accession au trône, vingt-et-un ans plus tôt alors qu’elle n’était âgée que de seize ans. Bien sûr, tous la respectaient. Mais des voix s’élevaient aussi, çà et là, critiques à l’égard de son action, ou plus précisément de son inaction. Albérich en était certain : ce mandat supplémentaire ne verrait pas Hilda lever le petit doigt pour tâcher d’améliorer ce qui était en train de partir à vau-l’eau.
« J’ai effectivement cru l’espace d’un instant que peut-être, notre peuple avait enfin compris que tu nous menais tous dans la tombe. Et je continue à regretter de m’être trompé, sois-en certaine.
— Allons, Albérich, cesse là cette comédie. »
Hilda accepta d’une signe de tête le vin que l’un des serviteurs s’apprêtait à lui resservir, le Guerrier Divin refusant d’un mot pour sa part. Il avait rapproché son verre en cristal ouvragé près de lui et en redessinait les gravures du bout de l’index, tandis qu’un léger sourire relevait un coin de ses lèvres minces.
« Tu n’as pas grand-chose à faire de “notre” peuple comme tu dis, reprit Hilda en haussant les épaules avec lassitude. Tout ce qui t’intéresse, et t’a toujours intéressé, c’est le pouvoir que tu rêves d’exercer sur eux.
— Est-ce un mal ? L’ambition est chose saine, tu es bien placée pour le savoir.
— Je n’ai jamais brigué cette charge, on me l’a imposée.
— Tu ne l’as pas refusée il me semble. Par ailleurs, tu te représentes tous les trois ans avec une régularité qui force l’admiration pour quelqu’un à qui on “impose” de telles responsabilités, acheva-t-il avec ironie en la contemplant en train de savourer son vin.
— Je ne te laisserai pas la place – le cristal tinta lorsqu’elle reposa son verre un peu trop brusquement – parce que je n’ai pas envie de te voir détruire le peu qu’il reste encore de notre peuple et de ses traditions.
— Détruire – il secoua la tête, sans se départir de son sourire amusé – Les grands mots, comme toujours. “Améliorer” me semble plus adéquat quand de toute évidence, il n’est plus possible de survivre dans des conditions disons… ancestrales. Que je sache, l’écot annuel versé par ma famille au trésor du Palais trouve bien quelque utilité, n’est-ce pas ? Puisque l’enrichissement personnel, ça n’a jamais été ton genre. »
Ils échangèrent un regard glacial avant de se détourner, le temps de se recomposer un air plus avenant. Non, plus hypocrite, songea Hilda alors qu’elle plaquait un sourire qui se voulait gracieux sur ses lèvres. Elle avait toujours détesté les Megrez en général, Albérich n’en était que le dernier représentant en date. Le père, et le grand-père, n’avaient pas valu mieux selon ce dont elle se rappelait et ce que ses propres parents lui en avaient dit. Elle devait toutefois admettre qu’en l’espace de quelques années à peine, Albérich avait su insuffler une nouvelle dynamique à son clan, une dynamique que d’aucuns commençaient à lui envier mais dont, surtout, tout le monde profitait. Le résultat serré du vote se voulait pour le moins éloquent à cet égard et la contribution des Megrez était, en effet, indispensable – vitale – pour le maintien de conditions de vie acceptables, bien que ce fût là un qualificatif qu’Albérich méprisait.
« Je te le concède, reprit-elle sur un ton plus neutre. Les choix que tu as su faire pour toi et les tiens, nous sont bénéfiques à tous.
— Heureux de te l’entendre reconnaître.
— Toutefois, j’ai une question, Albérich. »
Hilda avait quitté sa place au haut bout de la table et, ajustant sa pelisse bordée de fourrure blanche sur ses épaules, elle contourna les chaises pour se rapprocher du Guerrier Divin qui la suivait des yeux. Il ne rectifia pas sa posture – un coude négligemment appuyé contre le dossier du siège vide à côté de lui, une jambe repliée appuyée sur son genou – et ne fit pas mine de se lever alors qu’elle se plantait devant lui.
« En admettant qu’un jour, tu en viennes à diriger ce pays et ce peuple, que ferais-tu pour eux ?
— Je l’ai déjà exprimé devant les votants tout à l’heure : je ferais en sorte de mettre au service du plus grand nombre ce que j’ai déjà accompli pour les miens, et dont d’autres sont aujourd’hui bien heureux de pouvoir également profiter.
— L’altruisme ne te sied pas.
— Ainsi », poursuivit-il, son sourire s’élargissant, « cette mémoire qu’ils ont déjà si courte sera non seulement débarrassée de l’incurie des Polaris mais aussi de notre dépendance au Sanctuaire. Car si c’est moi qui dirige Asgard, nous recouvrerons notre indépendance pleine et entière, sans plus rien devoir à ces rustres incultes et grossiers et ceci, grâce à moi. Et à moi seul.
— Notre… indépendance ? – Hilda laissa échapper un rire incrédule, surplombant de toute sa hauteur un Albérich dont le sourire se figea – Mais de quelle indépendance parles-tu, exactement ?
— Tu le sais aussi bien que moi.
— Oh, non. Non, toi, tu ne sais rien parce que, pour que tu saches, encore faudrait-il que tu aies ne serait-ce qu’un minimum de conscience de la réalité quotidienne vécue par chacun, ici et maintenant. Asgard n’a jamais été indépendante et ne le sera jamais, quelle que soit l’illusion dont certains voudraient se bercer, toi y compris. »
Hilda avait reculé d’un pas, les mains resserrées sur son manteau. Un peu plus loin, les flammes dans l’une des trois vastes cheminées qui chauffaient la salle du conseil n’étaient plus que fumerolles et seules les braises irradiaient encore, sans réussir à pallier la chute de la température à l’approche de la nuit. La vraie nuit.
« Asgard est condamnée à mourir, souffla-t-elle d’une voix frémissante. Voilà le seul et unique destin auquel cette terre et ses habitants ont été voués dès le premier jour par les dieux qui ont décidé de son sort. Cela aura pris quelques milliers d’années, mais nous y sommes. Toi, moi, et le peuple tout entier, ou du moins ce qu’il en reste.
— Nous y sommes dis-tu ? Mais la faute à qui ? »
Albérich avait fini par quitter son siège à son tour. Plus petit que sa souveraine, il ne se tenait pas moins droit comme un i, le menton levé en guise de défi. Ses mèches rousses, que le mouvement de sa tête avait entraînées vers l’arrière, dévoilaient désormais la moitié droite de son visage où s’étalait un large tâche lie-de-vin depuis son sourcil jusqu’à sa mâchoire, entourant son œil et couvrant la moitié de sa joue.
« Qui a laissé la situation empirer jour après jour, sans rien trouver de mieux que de demander à des Asgardiens affaiblis de continuer à payer de leur personne pour maintenir notre position ? Qui n’a pas trouvé l’énergie – à moins qu’il s’agisse de courage ? – pour renverser l’ordre des choses ? Qui bafoue l’honneur de notre peuple en allant jusqu’à le priver de sa raison d’être ? »
La gifle partit mais n’atteignit pas son objectif : la main d’Albérich avait jailli pour attraper le poignet d’Hilda et l’enserrer dans une poigne qui fit grimacer la jeune femme de douleur.
« Je réitère : les Asgardiens sont des idiots de tolérer une dirigeante qui les nie à ce point dans leur fierté et leur bravoure, martela le Guerrier Divin, les dents serrées, tandis qu’elle tentait de se libérer, sans succès. Ce dont ils ont besoin, c’est d’un chef, un vrai, qui leur rendra leur grandeur et leur puissance et derrière lequel ils se rangeront lorsqu’il s’agira de reprendre ce qui nous a été dérobé, à savoir notre influence dans, et sur ce monde.
— Notre “influence”, comme tu dis – mobilisant ses forces, elle réussit à se libérer et, les poings fermés, se campa devant Albérich – est notre aliénation, ne le vois-tu donc pas ? Et elle sera notre perte. Elle l’est déjà !
— Tu sais ce qui nous différencie, toi et moi ? »
Contrairement à Hilda, le chef du clan Megrez avait de nouveau adopté une attitude détendue et posa une main sur sa hanche tout en la toisant :
« Tu es une victime. Tu subis ton sort et choisis de réserver le même à notre peuple. Moi, non. Moi, je vois tout ce qui fait notre richesse et notre pouvoir et dont nous devons nous servir pour regagner en puissance. Mais peut-être est-ce trop tôt, ou peut-être suis-je trop visionnaire ; peu importe. En fin de compte, qu’ils t’aient choisi pour trois années de plus est sans doute un mal nécessaire. »
Il éclata de rire devant la mine soudain troublée d’Hilda dont les poings se desserrèrent insensiblement, et rajouta avec son ironie coutumière, teintée d’une gravité à laquelle la souveraine réélue ne s’attendait pas :
« Ainsi, lorsque tous et toutes seront exsangues, vidés de leur cosmos, dépendants de la charité d’autrui pour ne serait-ce qu’espérer survivre parce que leur souveraine bien-aimée aura été incapable de les sauver, ils n’auront d’autre alternative que de se tourner vers le seul homme en capacité de leur proposer un avenir. A savoir, moi. Parce que la seule personne dans cette pièce à vouloir détruire Asgard, Hilda, c’est toi. »
* * *
« Merak.
— Albérich. »
Hagen avait incliné brièvement la tête en guise de salut, alors qu’Albérich s’arrêtait à sa hauteur, les portes du hall des clans grandes ouvertes derrière lui. Autant pour le chef de la famille Megrez : abusé par les propriétés particulières de la salle du conseil qui l’isolaient de toute perturbation cosmique extérieure, il était persuadé que ses homologues avaient tous quitté le Palais.
Un coup d’œil lui suffit cependant à constater que la plupart d’entre eux s’en étaient effectivement retournés sur leurs terres. Même l’immense Thol – a-t-on idée seulement d’être aussi grand ? Songea Albérich, acide – qui s’était longuement attardé auprès d’Hilda à l’issue du vote avec au fond des yeux cette horripilante dévotion qui lui valait au mieux l’amusement des uns, au pire le mépris du Guerrier Divin de Delta, avait disparu pour retrouver ses quelques acres de forêt.
Dans son dos, il perçut la présence fugitive d’Hilda, dont il devina qu’elle regagnait ses quartiers à son tour. Bien qu’ils se fussent dit tout ce qu’ils avaient sur le cœur – et que ce ne fût pas la première fois – l’échange pesait encore dans ses pensées et ce fut d’un ton plus abrupt qu’il ne l’aurait voulu qu’il s’adressa au Guerrier Divin de Beta :
« Cette fois encore, ta famille ne m’a pas fait l’honneur de sa voix.
— Comme tu le sais, mon clan est, avec celui de Mime, parmi les plus modestes de cette assemblée. Aussi, mon vote n’a guère de poids et je gage qu’il n’aurait pas fait grande différence sur le résultat final.
— Bien entendu – Megrez forgea un sourire en réponse à celui de Hagen – mais il est toujours plaisant de se sentir soutenu. Je comprends toutefois pleinement ton choix : après tout, Hilda est ta belle-soeur. »
Hagen se raidit devant le sourire de l’autre Guerrier Divin qui s’amincissait et le vert de son regard qui adoptait des reflets métalliques.
« Je te l’ai dit, Albérich : mon clan ne pèse pas lourd. Hilda, et ses prédécesseurs avant elle, lui ont cependant toujours réservé une place à la table des seigneurs et su l’écouter lorsque cela était nécessaire. La gestion d’Asgard par les Polaris ne nous a jamais causé le moindre tort et je n’ai aucun grief à l’égard de Hilda. Que Freyja soit mon épouse ne change rien à ce fait.
— Je vois. Il est plus aisé de considérer une situation donnée et confortable comme acquise, indépendamment de ses conséquences.
— Que dois-je comprendre ? »
Le visage fermé, Hagen avait fait un pas en direction d’Albérich, qu’il dominait d’une tête. L’autre Asgardien ne bougea pas, se contentant de lever les yeux en direction de son pair :
« Que même un mouton a plus d’esprit critique que toi. »
L’aura brûlante de Hagen s’embrasa au moment même où germaient, çà et là sur le sol, de minces cristaux d’améthyste tout prêts à se démultiplier pour protéger leur créateur. Le silence soudain entre eux se mit à crépiter :
« Je ne te permets pas de m’insulter ! Tu ne vaux pas…
— Ça suffit. »
La main que Siegfried posa sur l’épaule de Hagen vit le cosmos de celui-ci s’éteindre aussi subitement qu’il s’était enflammé.
« Il n’en vaut pas la peine, en effet. » Glissa dans un souffle le Guerrier Divin d’Alpha à l’oreille de son ami, lequel tourna les talons sans autre regard en direction d’Albérich qui le suivit des yeux, l’air amusé.
« Que lui as-tu dit, pour le mettre dans une telle colère ?
— Rien d’autre que la vérité. »
Siegfried, lui, ne souriait pas. Il n’en avait nulle envie, ni face à ce compagnon d’armes qu’il n’appréciait guère, ni devant le résultat d’une élection qu’il ne réussissait pas à considérer comme satisfaisant. Ses traits soucieux n’échappèrent pas à Albérich :
« Il ne tenait qu’à toi de faire en sorte que les choses changent, commenta-t-il, cette fois débarrassé de son onctuosité habituelle.
— Qu’elles changent… pour quoi d’autre ? Un Asgard transformé en place financière ?
— Je ne te savais pas capable de faire dans l’outrancier. Tu me déçois, Siegfried.
— Et toi, tu nous manipules.
— N’est-ce pas là, la tâche principale et quotidienne des dirigeants d’Asgard ? »
Siegfried soupira. Et voilà. Les rares accès de franchise du chef du clan Megrez ne duraient jamais assez longtemps pour qu’une conversation pût être menée à son terme sans sombrer dans les faux-semblants et les artifices de langage. Le Guerrier Divin ne s’était jamais entendu à ce genre d’exercice, trop politique pour lui, trop superficiel. De son point de vue tout du moins ; Hilda s’était pourtant employée à susciter chez lui un intérêt, même limité, pour un tel exercice, sans succès. Et de toutes les manières, Albérich restait bien trop retors pour qui que ce fût.
« Si nous sommes encore vivants, nous le devons à Hilda, et tu le sais très bien.
— Vivants, oui, comme tu dis. Mais pour combien de temps encore ? Et dans quelles conditions ?
— Ah oui, c’est vrai : tu considères que tu peux faire mieux dans l’intérêt collectif. Toi.
— Oui, moi, rétorqua Albérich avec un aplomb qui ne laissa pas de méduser Siegfried. Il y a ce que Asgard est, et ce dont Asgard a besoin. Pour continuer à exister. Hilda refuse de l’entendre.
— Ce que tu proposes va à l’encontre de ce que nous sommes. De ce qui nous unit. De ce qui nous a permis de survivre depuis des millénaires.
— Et de ce qui nous tuera au bout du compte. »
Étonné, Siegfried scruta son vis-à-vis avec une attention plus soutenue. Il était rare, voire inédit, d’entendre Albérich tenir des propos aussi sombres. Contre toute attente, et toute facilité, il n’avait jamais joué sur les peurs pour tenter de se faire élire. Mettant en avant la bonne santé de son clan, il n’avait eu de cesse de construire son argumentation autour de son approche novatrice – hérétique, selon certains – de l’économie de l’enclave, faisant valoir tout le bien que les Asgardiens auraient à gagner en s’ouvrant plus sur l’extérieur. Et jusqu’ici, il n’en avait pas dérogé, y compris au cours d’échanges privés comme celui-ci.
« A moins bien entendu, poursuivit Albérich, que Hilda continue à s’agenouiller devant Saga Antinaïkos. Elle a déjà prouvé par le passé sa maîtrise consommée de l’exercice. »
De l’insulte sous-jacente ou du sourire entendu de son interlocuteur, Siegfried ne sut pas ce qui arma son poing, lequel s’écrasa contre le mur en grès en lieu et place du menton d’Albérich grâce à une latte du plancher en bois qui venait de s’enrouler autour de sa cheville pour le déséquilibrer.
« C’est le chef de la garde rapprochée qui s’exprime, ou l’amant éconduit ?
— Tu parles de ta souveraine ! Siffla Siegfried entre ses dents serrées pour s’empêcher de hurler. N’as-tu donc aucun respect ?
— Je suis un Asgardien et à ce titre, je ne tolère aucune autorité qui ne soit pas dictée par la terre qui m’a engendré, répliqua sèchement Albérich. Je croyais que toi aussi, tu l’étais.
— Plus que toi.
— Prouve-le. »
Les doigts d’Albérich s’étaient refermés sur le biceps encore contracté de Siegfried, et s’enfoncèrent dans le muscle tels les serres d’un rapace :
« Tant qu’il en est encore temps. »
* * *
« Je peux savoir ce qui t’a pris ? »
Pas de réponse. Excédé, Syd tira légèrement sur les rênes et son cheval ralentit assez pour laisser celui qui le suivait remonter à sa hauteur.
« Je t’ai posé une question, répéta-t-il un ton plus bas à l’attention de la silhouette au dos voûtée sur l’autre monture, la tête recouverte d’une ample capuche en laine épaisse qui en masquait les traits.
— A quoi bon te répondre ? Comme toujours, tu n’entendras qu’un mot sur deux et n’en retiendras que ce qui t’arrange. »
D’un geste vif, l’autre avait rejeté le tissu qui le protégeait du vent glacial et une figure pâle percée d’un regard orangé et surmontée de cheveux ras aux reflets verts d’eau apparut, réplique exacte de celle de Syd, aux traits présentement contractés par l’irritation.
« “Toujours”, “jamais”… Et après tu t’étonnes ?
— Eh bien voilà, nous sommes d’accord. Alors cessons là de perdre du temps, mon frère. »
L’emphase de Bud sur ses deux derniers mots fit hésiter Syd assez longtemps pour que son cadet achevât de le dépasser pour cheminer devant lui cette fois, s’éloignant lentement sans le moindre regard en arrière. D’un claquement de langue, Syd incita son cheval à reprendre sa route. Il suivit son jumeau, en silence.
La pénombre épaisse était repoussée de part et d’autre de leur itinéraire par les flambeaux tenus haut par les hommes qui les escortaient. Les flammes dansaient et crépitaient dans le silence oppressant, que seuls meublaient le craquement de la neige sous les sabots des chevaux et le sifflement de quelque bourrasque à la cime des sapins. Les murmures qui avaient accompagné le cortège à leur départ du palais avaient tôt fait de s’éteindre alors qu’ils s’éloignaient, gênés par le silence obstiné et surtout inhabituel des jumeaux Mizar.
D’habitude, ils se disputaient.
Syd ne le comprenait plus. Pourtant, Bud était son frère, n’en déplaise à celui-ci. A cette pensée, il baissa la tête, soudain mélancolique. Son cadet aurait pu – aurait dû – être heureux de cette gémellité, un don des dieux disait-on à la ville alors que les naissances se faisaient si rares depuis plusieurs générations. Mais Bud accordait, semblait-il, plus de foi à la sagesse des campagnes qui voyait là plutôt une malédiction. Autrefois, n’abandonnait-on pas l’un des deux bébés aux loups et au froid ? Ceci afin d’éviter que des familles entières ne volassent en éclats sous la pression délétère de successions contestées. Mais de telles pratiques s’étaient éteintes d’elles-même non pas en vertu d’une quelconque morale mais plutôt par nécessité : les enfants étaient devenus trop précieux pour que ce genre de coutumes fût encore usité de nos jours. Et puis… L’aura opalescente de Syd s’éleva de quelques degrés dans l’atmosphère glacée, hésitante, tâtonnant à la recherche de sa jumelle : sans succès. Bud lui opposa une fin de non recevoir aussi muette que revêche et la distance entre leurs montures s’accentua alors que l’un accélérait et que l’autre ralentissait.
Depuis quand ? Depuis quand Bud et lui s’éloignaient-ils ainsi l’un de l’autre au point de ne plus partager que le même corps et les mêmes traits sans plus rien de la complicité qui les avait unis alors qu’ils étaient enfants ? Même leur complétude en tant que guerriers divins semblait n’être plus qu’un souvenir. Syd eut un frisson qui n’avait rien à voir avec la température qui chutait à l’approche de la vraie nuit ; si demain, ou même tout à l’heure, il devait affronter un ennemi, voire lutter pour sa propre vie, pourrait-il compter sur son frère ainsi qu’il l’avait toujours fait jusqu’ici ? Ou celui-ci le laisserait-il combattre seul ? Resterait-il à ses côtés, au moins ?
Cette idée le vit éperonner son cheval qui, d’un galop bref, rattrapa celui de son jumeau.
« Explique-moi, Bud. »
Le soupir du cadet cristallisa dans le froid, mais il ne rectifia pas moins son assise, redressant le dos et les épaules avant de tourner la tête vers Syd.
« Ne crois-tu pas que c’est plutôt à toi de m’expliquer cette lubie ? Depuis quand les Mizar font-ils acte de candidature pour prendre la tête d’Asgard ?
— Depuis que les Megrez gagnent en popularité et que les Polaris manquent à leur devoir. »
La réponse de l’aîné était aussi vive et tranchante que les griffes du tigre aux dents de sabre qu’ils incarnaient tous les deux en tant que combattants et devant cette véhémence, Bud resta silencieux assez longtemps pour que Syd rajoutât :
« Je pensais que tu aurais partagé ce point de vue.
— Encore aurait-il fallu que tu m’en fasses part. »
L’amertume du cadet était palpable et Syd demanda doucement :
« Est-ce pour cette raison ? Que tu as voté pour Hilda au lieu de ton propre frère ? »
Et de se raidir sur son cheval quand Bud tourna vers lui un regard furieux, d’où la colère menaçait de déborder jusqu’à ses lèvres. Les dieux seuls savaient quels mots malheureux son frère était sur le point de proférer ; contre toute attente cependant, un seul tomba, aussi net dans le silence que l’argumentaire de l’aîné :
« Non. »
S’il n’y avait eu les gants de cuir brut, Syd n’aurait pas été étonné d’apercevoir les phalanges crispées de son cadet sur les rênes. Le cheval renâcla sous l’effet la tension soudaine qu’il ressentait jusque dans son mors et secoua la tête en signe de gêne et de reproche ; les lèvres toujours amincies par la contrariété, Bud redonna néanmoins du mou à sa monture qui se calma instantanément.
« Tu n’es pas qualifié, reprit-il un ton plus bas.
— Pas qualifié ? Alors que c’est notre famille qui, avec celle des Megrez, contribue pour l’essentiel à la survie de notre peuple depuis des années ?
— Père avait mis tout en œuvre à cet effet. Tu ne fais qu’administrer son héritage, ni plus, ni moins. Il n’y a là aucune gloire ni compétence exceptionnelle dont tu puisses te réclamer pour diriger Asgard.
— Pour en juger, encore faudrait-il que tu saches de quoi tu parles, répliqua Syd d’une voix réfrigérante. Or, il ne me semble pas que tu te sentes particulièrement concerné par la bonne marche de notre clan, ni que tu te sois jamais impliqué dans son administration.
— N’est-ce pas toi, l’aîné ? Celui qui a reçu l’éducation adéquate pour assumer de telles responsabilités ? Celui qui sait, mieux que tout et tout le monde ? »
Cette fois, une ironie mordante avait remplacé l’amertume, rajoutant encore un peu plus de distance entre eux, une distance dont Syd comprit qu’elle était en passe de devenir impossible à combler. Il ne tenta pas moins :
« Ce que je dis, je ne suis pas le seul à le dire et tu le saurais si tu prêtais un peu plus d’attention à ce qui t’entoure. La gestion d’Hilda est de plus en plus contestée, y compris dans les campagnes pourtant toutes acquises aux Polaris depuis des décennies – le ton de Syd se fit plus pressant – Et il ne s’agit pas seulement d’Asgard ! As-tu seulement conscience d’à quel point nous tous sommes de plus en plus défaillants ? Chaque jour nous échouons un peu plus à honorer la promesse qui nous lie à ce monde. Chaque jour, des gens meurent parce que nous ne sommes plus capables de maintenir le climat de cette planète. Or, qui détient cette responsabilité ? Hilda. Hilda qui cache de moins en moins son impuissance et sa résignation. Hilda qui n’a plus, de toute évidence, ni l’envie, ni la volonté d’assurer le rôle que nous, son peuple, lui avons confié. Alors à moins que tu considères Albérich de Megrez comme étant le plus qualifié pour cette tâche…
— Et si c’était elle qui avait raison ? »
Les gardes autour d’eux, la neige sombre au-delà du halo projeté par les flambeaux sur le sol, les fûts droits et larges des sapins jalonnant leur route, tout cela aurait pu disparaître dans un claquement de doigt que Syd n’en aurait pas été plus stupéfait.
Les yeux agrandis, il détaillait son cadet comme il l’aurait fait d’une étrangeté monstrueuse dont il aurait croisé le chemin pour la première fois de sa vie.
« Tu n’es pas sérieux, souffla-t-il au bout d’un moment, horrifié.
— Hilda a plus de souci de notre peuple que tu n’en auras jamais, cingla Bud qui ne le regardait plus, toute son attention concentrée devant les pas de son cheval. Toi, et tous tes semblables d’ailleurs, chefs de famille qui n’avez en fin de compte que l’intérêt de vos clans respectifs à la bouche, bien avant celui des Asgardiens dans leur ensemble.
— Comment peux-tu parler, ainsi, toi, mon propre jumeau ? Tu es autant le représentant des Mizar que moi, tu… »
Étouffe par l’indignation, Syd faillit s’étrangler lorsqu’il fut interrompu par le rire méprisant de son frère :
« Je n’ai pas demandé à naître dans cette famille. Ni à naître tout court, si tu veux savoir toute la vérité. Mais je suis là. Alors c’est vrai, je pourrais me contenter de la place si privilégiée que mon rang de naissance m’a conférée, savourer mon confort et mon insouciance sans plus me préoccuper de qui ou de quoi que ce soit puisque mon bien-aimé frère pourvoit à tout et bien plus encore. Mais je pourrais aussi exister. Par et pour moi-même. Parce que, devine quoi : je pense. Et ce que je pense, c’est que vos certitudes, auxquelles vous vous raccrochez sans même plus savoir pourquoi, ont perdu toute valeur depuis bien longtemps. D’autres – et tu le saurais si tu prêtais un peu plus d’attention à ce qui t’entoure, singea Bud en imitant le ton suffisant de son aîné – sont en train d’en prendre conscience et Hilda en fait partie. »
La monture du cadet s’était immobilisée et de nouveau, il accepta de soutenir le regard cette fois totalement égaré de son frère. Cette vision, ou la perception d’une espèce de désespoir incongru dans le cosmos de Syd, vit Bud se radoucir :
« Je suis injuste envers toi, en te mettant dans le même sac que Megrez ou d’autres de son acabit. Tu n’es pas comme Albérich et je sais qu’au fond, malgré ton souhait de donner la priorité à notre famille, tu as aussi à cœur de protéger Asgard. »
L’aura de Bud s’était matérialisée autour de lui, puissante et alerte à l’image du guerrier qu’il avait su être depuis son plus jeune âge et ce, bien avant son propre jumeau. De sa force, le cadet n’avait jamais douté et Syd réalisa que c’était là, certainement, la seule chose dont son frère eût jamais été sûr de toute son existence. L’avait-il donc étouffé à ce point ? Non. Bud avait été libre, autant que lui. Plus que lui, même, alors qu’en tant qu’aîné, il devait sacrifier aux exigences de sa position de futur héritier pendant que Bud avait toute latitude pour se forger une personnalité qui ne fût pas formatée sur le modèle de celle de leur père et de tous leurs aïeux avant lui.
Et justement. Un pli en travers de son front haut et lisse, Syd percevait à présent toutes les différences infimes mais devenues perceptibles qui désormais permettaient de distinguer l’aura de son jumeau de la sienne, malgré le creuset commun à tous les Asgardiens dont elles étaient issues. Depuis quand son frère s’était-il ainsi affranchi de la sorte ? Depuis quand ne lui prêtait-il plus attention ? Depuis quand avaient-ils cessé d’être des jumeaux ?
La douleur plus glacée encore que la nuit environnante se diffusait peu à peu dans son corps et son cœur, étreignant celui-ci sans pitié entre ses longs doigts grêles. Bientôt elle s’insinuerait dans son esprit, s’agripperait à son âme sans qu’il pût rien faire pour l’arrêter et pire encore : l’empêcher d’être. Bud ne pouvait pas ne pas la ressentir, lui aussi, alors que son cosmos demeurait, lumineux et palpitant îlot de vie au sein du silence devenu morne. Mais rien sur ses traits ou dans ses yeux n’en témoignait et ce fut comme si d’un unique coup de poing, il achevait de rejeter son jumeau dans l’obscurité. Frémissant, désorienté, Syd l’entendit à peine alors qu’il reprenait d’une voix lointaine :
« Alors, tu vois, Syd, il y a encore une chose, au moins une, qui nous rassemble tous les deux : parce que moi aussi, je veux sauver Asgard. »
1Modèle de stylo de marque Mont-Blanc.
Le coup des biscuits 😂 (même si bon, des figolu maison, miam)
Et j’ai pas pu m’empêcher de ricaner un peu face à l’étonnement de Marine, rdv dans quelques années quand elle devra gérer la crise d’adolescence de Sybil 😂
Et ça fait plaisir de voir Asgard ❤️ Ça me fait popper Pia tout plein, comme tu as pu le constater XP J’ai hâte de voir comment ça va se développer.
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Avec de la figue bio du Sanctuaire, steuplé ! XD Sans Loukas, je ne sais pas comment ils survivraient, tous, sérieux. Surtout Saga, sans sa moussaka de trois heures du matin.
En fait, les chevaliers qui sont nés avec un cosmos inné n’imaginent pas une seconde que la situation soit différente pour d’autres, et encore moins, forcément, les inconvénients qui vont avec. Les seconds ont de fait plus de mérite que les premiers parce qu’ils ont du gérer des complications parfois handicapantes en plus de l’entraînement habituel. D’ailleurs, pour certains, l’éveil du cosmos à l’adolescence est tellement insupportable qu’ils ne vont pas au terme de leur formation car leur vie est en jeu. Donc, oui, c’est compliqué pour ceux qui doivent les aider à passer ce cap parce qu’ils ne comprennent pas vraiment ce qui se passe. Mais pour le coup, Marine en aura au moins entendu parler, donc elle sera un peu plus « préparée » 🙂
J’adore écrire sur Asgard ! ❤ En plus, je peux me faire plaisir avec un niveau de langage un peu plus soutenu, en mode "noblesse", tout ça, qui nous promet un "joli" contraste avec le Sanctuaire XD (oui, j'ai vu !)
Merci beaucoup pour tes gentils mots !
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J’aime beaucoup le ton de Loukas, emprunt d’attention, de bienveillance et de franchise.
On sent une relation saine et simple à la fois.
Les crabes ont vraiment du mal à marcher droit. 😄
Marine ne sait pas à quels spécimens (présents et futurs) elle va devoir faire face.
Alberich est une tête à claque, le ptit merdeux (désolé pour le langage) aussi suffisant que son ego le lui permette.
Quant à aux frangins, il n’y a pas de familles sans histoires ni d’histoires sans familles 😄
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On a tendance à oublier que le Sanctuaire a besoin de personnel pour fonctionner et que considérant le côté « vase clos » des lieux, des liens se forgent forcément entre tous les habitants, depuis les chevaliers d’or jusqu’au plus anodin des personnels. En l’occurrence, en tant que maître des cuisines du palais mais aussi et surtout intendant en chef, Loukas occupe un poste important. Par ailleurs, c’est un enfant du Sanctuaire, ses parents y habitaient et y travaillaient. Il fait donc partie de la « famille grecque » et participe à la vie du Sanctuaire comme tout un chacun, Pope compris. Tous les deux se connaissent très bien et s’estiment. Loukas est un homme très droit, qui a très mal supporté le meurtre de Shion par Saga mais qui est resté pour Saga, car le connaissant enfant, il a compris qu’abandonner le navire n’était pas la solution. Et Saga lui en est reconnaissant.
Angelo a un rapport au cosmos qui lui est propre. On en découvrira les détails d’ici plusieurs chapitres mais disons que cet état de fait ne lui rend pas la vie facile tous les jours. Plus largement, cette « sensibilité » est propre aux Cancers en effet : on ne voit pas / utilise les âmes sans contrepartie 🙂
Que serait Albérich s’il n’était pas Albérich, voyons ! XD C’est ce qui fait tout l’intérêt du personnage et ma foi, je suis bien contente de l’avoir sous la main même si je ne maîtrise pas encore toutes les subtilités de ses motivations… (mais j’y travaille)
Bien vu pour les jumeaux ! 😀 Et effectivement, j’ai un gros faible pour les sagas familiales, les squelettes dans les placards, tout ça. Dans l’idée, j’ai voulu repartir de la trame de l’anime en la réinterprétant à ma sauce, ils sont décidément destinés à s’opposer.
Merci beaucoup, beaucoup, pour ta lecture et tes commentaires !
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Intéressant chapitre. On y apprend une foultitude de choses, surtout sur une possible relation entre Saga et une certaine autre personne. Tu m’étonnes que ça fasse ricaner Alberich.
Tout l’aspect politique à Asgard était génial. Alberich est vraiment à la hauteur de sa réputation et ses confrontations avec la team Hilda étaient savoureuses. Quant au passage avec les deux jumeaux, il montrait que dans cet univers-ci, même si leurs destins a été différents que celui de la série classique, ils sont vraiment de parfaits opposés malgré tout.
Le point de vue de Syd est valable. Si Hilda n’est plus à la hauteur, il serait en effet un moindre mal qu’Alberich et son ambition. Mais celui de Bud, plus détaché de son clan, est tout aussi pertinent. Que connaissent en effet les grands d’Asgard des souffrances des petites gens ?
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J’ai beaucoup de choses à raconter, donc j’essaye de les distiller au fur et à mesure, en espérant ne t’avoir assommé avec toutes ces infos ^^ Mais, oui, j’essaye de les glisser, l’air de rien, au détour de l’histoire.
Albérich ricane, mais il ricane jaune : pour un Asgardien, ce genre de « rapprochement » avec le Sanctuaire est intolérable et il n’est pas le seul à désapprouver (même si très peu de gens sont au courant). Quant à Siegfried, le pauvre, quoi… XD
Concernant Asgard, j’ai beaucoup travaillé sur le sujet et développé pas mal d’idées. Tu en découvriras plus au fil du temps, sur leur mode de vie, leurs coutumes et leur fonctionnement, en considérant ce qu’ils sont et leur spécificité. Et comme j’adore Asgard… 😉
Je suis contente que ce premier aperçu te plaise en tout cas ! Albérich est un plaisir d’écriture, il y a moyen de se faire bien plaisir avec lui XD Par contre, nous sommes dans l’UDC!verse, donc pas de manichéisme : il a ses propres motivations et en l’occurrence, tu me connais assez pour savoir que les « mwahaha », c’est pas trop le genre de la maison XD
J’ai voulu partir du canon de l’anime concernant Syd et Bud pour réinterpréter leur histoire. J’ai par conséquent conserver leur antagonisme parce qu’ainsi, ils se donnent mutuellement du relief et que c’est la base de leur histoire dans l’anime.
Oui, les deux points de vue se valent, en effet. C’est là toute la complexité de ce qu’est Asgard et sa raison d’être. Là encore, je me suis bien entendu appuyée sur l’anime en le développant dans une direction disons plus « actuelle », ou à tout le moins plus réaliste et proche de nous. Il est vrai aussi que le contexte asgardien, avec sa noblesse et par extension ses roturiers, permet de développer des thématiques que je n’ai pas eu l’occasion de traiter dans UDC (et puis aussi d’écrire dans un langage un peu plus soutenu :-)). Tu le sais, mon thème de prédilection favori est l’Equilibre. Cette notion sera encore au coeur de cette histoire et notamment de celle d’Asgard.
Un grand grand merci à toi pour ta fidélité et le partage de ton avis, j’espère que la suite continuera à te plaire ^^
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Encore un chapitre très intéressant!
Où on voit qu’il y a encore plus arrogant que Saga – « dites donc le Sanctuaire, merci d’arrêter le réchauffement climatique tout de suite pendant que nous on continue à polluer, parce que bon tous ces réfugiés c’est pas top pour notre économie, là »! Heureusement que Saga n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Il m’a toutefois semblé comprendre que la situation du point de vue climatique est pire qu’elle ne le devrait « naturellement », ce qui m’amène à me demander si elle ne serait pas due à une ingérence extérieure. Du genre, provoquée d’une manière ou d’une autre par les disciples de Dimitri. Aurais-je trop d’imagination?
J’aime beaucoup le jeu politique asgardien que tu dévoiles, et la manière dont il s’accorde subtilement avec la trame de l’anime. Hilda qui est perçue par certains comme complice, par son laisser-faire, des malheurs d’Asgard; Alberich dont j’ai du mal à estimer la sincérité du discours à la « Make Asgard Great Again »… et alors, la révélation: Saga et Hilda auraient fricoté ensemble? Voilà qui ne doit pas simplifier les choses pour Hilda, ça crée un bel angle d’attaque pour ses ennemis! Les raisons qu’ont chacun pour suivre Hilda ou Alberich, voire aucun des deux dans le cas de Syd, sont aussi très bien argumentées. A voir si les manipulations des uns et les ambitions des autres vont faire bouger les lignes…
Et sinon, sur la planète Cancer, on a donc le cosmos d’Angelo qui fait, quoi, sa crise de la quarantaine? Est-ce que je m’avance en supposant que c’est le cosmos d’un de ses pairs en particulier, voire en exclusivité, qui lui manque à ce point?
Ah, et merci pour ta précédente réponse notamment concernant les armures! Bon, puisque leur identité n’est pas importante, je n’échafauderai pas de théories à ce sujet;-) Par contre, j’ai quelques petites idées quant à l’endroit où elles peuvent se trouver, ou plutôt, en la possession de qui!
Bonne soirée,
Lily
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Bonjour Lily !
Merci pour ton intérêt concernant cette histoire, je suis vraiment très contente que tu la trouves intéressante. En effet, je t’avoue qu’ayant bien conscience que de nos jours, « lire » de la fanfiction se fait de moins en moins en règle générale, je nourris de sérieux doutes quant au fait que » lire » + « scénario » (autre que romance) puisse encore attirer du monde XD Donc, merci, vraiment.
Bon, il est très probable que ma « circonspection » (c’est la version polie) à l’égard du peuple US en général transpire dans cette histoire 😀 Après, je m’appuie tout de même sur des comportements qui ne sont pas nouveaux et l’arrogance US n’est plus à prouver depuis longtemps. La représentante est tout à fait détestable dans son discours mais au fond, elle a le mérite de ne pas faire preuve d’hypocrisie mal placée car on sait tous que l’aspect économique prime sur le reste, y compris sur l’humain. Et il faut vraiment être Américain pour balancer ce genre de trucs sans sourciller.
Saga est ce qu’il est mais sous ses dehors parfois (souvent) empreints d’arrogance, il a une conscience aiguë de son rôle et de ses responsabilités (après, on peut dire qu’il l’a voulu, ce boulot et qu’il y a mis les moyens XDDD) : le Sanctuaire oeuvre pour l’humanité, pas pour les gouvernements.
En effet, le climat se dérègle de plus en plus vite. Sa régulation relève de la responsabilité d’Asgard mais considérant que cette responsabilité est multimillénaire, cela suppose que cette régulation a du s’adapter au fil du temps aux activités humaines (dont on sait que c’est vraiment depuis le XIXème qu’elles ont un impact sur le climat , donc de nature anthropique). On peut donc imaginer que c’est de plus en plus en difficile de maintenir un équilibre en tirant d’un côté quand de l’autre, il a 7 milliards d’individus qui tirent dans l’autre sens. La priorité de Saga est donc de regarder du côté d’Asgard : font-ils correctement leur boulot ? En sont-ils encore capables ? Ou le veulent-ils au moins ?
Je me suis totalement reposée sur la trame de base de l’anime concernant Asgard que j’ai réinterprétée sous un angle plus réaliste (sans intervention poseidonienne, donc). On retrouve de fait Hilda au coeur du débat – fait-elle bien son job ? Pourquoi ? – et Albérich en antagoniste ambitieux. Tu commences à me connaître donc tu te doutes que les choses ne sont pas aussi simplistes 🙂
Saga et Hilda ont effectivement fricoté ensemble, on en saura plus, plus loin dans l’histoire. Mais hors le cercle rapproché de Hilda, personne n’est au courant. Que Saga soit présent plus ou moins souvent dans l’enclave apparaît comme « normal » (mais pas forcément apprécié) aux Asgardiens compte tenu du rôle de tutelle exercé par le Sanctuaire à leur égard.
Sur la planète Cancer comme tu dis, effectivement, il y a un *petit* problème XDDD Ledit problème découle directement de Fragments parce que, bon, si tous les axes de chaque génération étaient aussi fusionnels, ce serait quand même un gros bordel XD En attendant la situation est ce qu’elle est et elle est, disons… « inconfortable » ? (doux euphémisme XD)
j’ai répondu au commentaire de Phed’, qui m’a indiqué vos hypothèses communes concernant les armures XD
Encore merci pour ta lecture attentive et ton appréciation très pertinente ! Et bien entendu pour ton intérêt pour cette histoire 🙂
A bientôt !
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Bon alors que de révélations dans ce chapitre !
La première, et la plus ÉNORME de toutes. Celle qui m’a chamboulée, m’a retournée, m’a fait remettre en cause tout un pan de la vision que j’avais de la chevalerie, et de certains chevaliers en particulier. ANGELO A EU DE L’ACNE !?! Non, mais ce n’est pas possible !! Et du coup, maintenant mon esprit part en sucette et imagine Milo avec un appareil dentaire, Camus avec un petit zozotement, Aiolia avec un léger embonpoint, Saga avec des cyclistes fluo et Shura avec une moustache prépubère. Merci. Vraiment. C’est super.
Bon, je rigole bien entendu, hein ! Angelo a bien le droit d’avoir eu de l’acné. Après tout, c’est un être humain comme un autre (enfin presque). Et donc maintenant, son cosmos part en vrille ? Ben le diagnostic me paraît clair et sans appel : crise de manque pour cause de dépendance caprine non assouvie. Va falloir tenter d’y remédier… Enfin je dis ça, je dis rien 😉
Et la deuxième révélation : Saga et Hilda ? Tiens, tiens, tiens. Je n’aurais jamais cru. Du coup, j’imagine que les adversaires de la jeune femme ne sont probablement pas au courant, sinon ils ne manqueraient pas d’utiliser cet argument contre elle ? Et Rachel, comment va-t-elle réagir lorsqu’elle l’apprendra ? Car Hilda reste tout de même celle qui a accepté d’accueillir Dimitri sous sa « protection ».
Sinon, ils n’exagèrent pas un tout ch’ti peu tous les grands de ce monde, de se décharger comme ça sur le Sanctuaire pour tenter d’endiguer le changement climatique ? Heureusement que Saga a su les remettre à leur place. Ceci étant dit, je partage le point de vue de Lily : je suspecte certains agissements de la part des disciples de Dimitri de pouvoir être à l’origine de l’emballement que tout le monde semble avoir observé. Et pour terminer sur ce sujet, j’ai beaucoup aimé que tu mentionnes la gravité de la situation liée aux réfugiés climatiques. Car effectivement, il n’y a pas que la météo qui soit chamboulée, hein.
Et nous avons donc fait la connaissance d’Albérich, et je trouve que tu l’as très bien réussi. Intelligent, perspicace, efficace, mais dont les réelles intentions sont – à ce stade et selon moi – encore assez difficiles à cerner. Enfin, probablement qu’il est porté par un mélange de différents types de motivations, quoi. Et puis j’ai aussi bien aimé la discussion entre les jumeaux de Mizar. Asgard m’a tout l’air d’être dans une situation politique « compliquée », ce qui risque de ne pas faciliter les choses. Pour personne.
Voilà pour aujourd’hui. Merci encore, comme toujours, de partager ton histoire avec nous.
A bientôt et prends soin de toi !
Phed’
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AHAHAH !!!! *explose de rire* J’ai rigolé toute seule devant mon écran quand Angelo lâche sa « bombe » , contente de voir que je ne suis pas la seule à rire à ses blagounettes toutes pourries XDDD Eh oui, il a eu de l’acné et il n’est sûrement pas le seul car l’âge ingrat touche tout le monde, hein. Tes images mentales m’ont bien fait rire, mention spéciale à la moustache pré-pubère de Shura (moh my, quelle horreur ! ) et l’embonpoint d’Aiolia (c’est l’image du petit ventre de chaton repu qui t’a fait penser à ça ? XD). Et sinon, oui, ils ont tous porté du fluo, eighties oblige XD
Le sujet Saga/Hilda sera abordé au fil de l’histoire par petites touches, ainsi on en saura plus. Par contre, il n’est pas évident que Saga ait su tout de suite que Hilda avait donné asile à Dimitri : Asgard dispose de ressources qui lui sont propres et le Sanctuaire ne peut pas *tout* savoir non plus 🙂
Les états confondent bien souvent leur propre intérêt et celui de l’humanité, une notion dont Saga est très conscient. Cela ne l’empêche pas de s’inquiéter de ce que fait / ne fait pas Asgard car la situation climatique est effectivement de plus en plus problématique. Asgard a une responsabilité et celle-ci doit être assumée, à n’importe quel prix.
J’aime bien Albérich, perso (oui, je sais) car j’ai beaucoup de respect pour l’intelligence et la vivacité d’esprit en général (et aucune patience devant la bêtise / l’absence de réflexion). On devrait savoir exploiter les capacités de chacun et les positionner à la place qui leur convient le mieux dans l’intérêt général. Albérich n’est pas un être des plus agréables mais il n’est pas à considérer avec dédain. D’ailleurs, Hilda ne s’y trompe pas, pas plus que Siegfried. Ils ont conscience que les Megrez sont très importants pour Asgard.
Quant aux Mizar, je me suis appuyée sur l’anime as usual en réécrivant leur relation conflictuelle sous un jour plus réaliste (le coup du mec qui vit dans l’ombre en permanence sans se faire calculer par son frangin, comment dire…). Disons qu’à eux deux, ils cristallisent les deux « voies » qui s’opposent en Asgard et on voit bien, tu as raison, que ce n’est pas tout simple.
Merci à toi de porter autant d’intérêt à cette histoire, et d’en apprécier la lecture !
A bientôt 🙂
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Ah et bien moi j’ai commencé à lire de la fanfiction avec vingt ans de retard, donc je suis de toute façon hors des modes;-) Plus sérieusement, peut-être que c’est parce que je suis une grande lectrice tous genres confondus, mais je trouve qu’un scénario riche est toujours un plus, quel que soit le degré d’importance qu’il accorde à la romance par ailleurs.
J’ai vu ta réponse à Phed pour nos hypothèses! J’attendrai donc patiemment que l’histoire nous dise si notre relecture appliquée a porté ses fruits:-)
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