Milan, Italie, Avril 2006
Ils n’avaient pas parlé. Ne s’étaient pas même salués. Le sac d’Angelo était tombé à ses pieds sitôt la porte franchie et refermée, Shura, déjà debout, s’était avancé, et ils s’étaient arrimés l’un à l’autre. Mains d’abord, bouches ensuite, corps enfin, unis, verrouillés, enchâssés, puis ils avaient baisé, toujours en silence.
Le coït avait été rapide et brutal, à l’image de la première jouissance qui l’avait soldé ; après seulement, et pour la première fois depuis des semaines, ils avaient fait l’amour.
Et retrouvé la faculté de parler, par la même occasion.
« Tu as maigri », commenta Shura allongé sur le dos sur les draps en désordre, sa poitrine s’élevant et s’abaissant au rythme de sa respiration, ample et profonde. Il avait tourné la tête vers l’Italien qui s’était levé pour s’approcher de l’immense baie vitrée de la suite localisée au dernier étage de l’hôtel où Shura lui avait donné rendez-vous. La vue sur le Duomo1 de Milan, éclairée par les dernières lueurs du soleil, était imprenable.
Pour toute réponse, Angelo laissa échapper un rire bref et sec en se retournant à demi :
« Hé, salut, comment tu vas ? Moi aussi je suis content de te voir ! »
Puis son regard de s’attarder sur Shura qui lui adressa en retour un sourire mince et tranquille.
«Oui, c’est vrai, finit par admettre le Cancer dans un grommellement. Mais ce n’est pas non plus comme si ça allait me manquer. »
En soi, il n’avait pas tort : la constitution de l’Italien, bien différente de celle de Shura, profitait plus facilement de tout ce dont son propriétaire voulait bien la gratifier et là où la balance de l’Espagnol n’avait pas bougé d’un iota depuis ses dix-huit ans, celle d’Angelo avait toujours eu le chic d’osciller à plus ou moins cinq kilos autour de son poids dit « de forme ».
En l’occurrence toutefois, il ne s’agissait pas que de cinq kilos en moins sans pour autant que Shura pût précisément mettre le doigt là où ça n’allait pas.
A son tour, il se redressa et tout aussi nu que son compagnon, il le rejoignit, son torse bientôt appuyé contre le dos scarifié. Après une hésitation, il passa un bras autour de sa taille pour poser sa main bien à plat sur son ventre, son menton contre son épaule. Sous les odeurs de sexe qui avaient commencé de saturer l’atmosphère, il perçut la fragrance familière de l’eau de toilette de l’Italien. Toujours la même. Depuis des années.
« Choix judicieux, commenta Angelo.
— Comme d’habitude, non ?
— Mieux. Nous ne sommes qu’à quelques rues du tailleur dont je t’ai parlé.
— … J’avais oublié. »
Un bref sifflement désapprobateur parvint à l’Espagnol qui n’eut cependant pas le temps de s’en formaliser alors que la tête de l’autre homme pivotait sur le côté et qu’il apercevait la fossette habituelle creusée sur sa joue par son sourire :
« Certains pourraient mal le prendre.
— Mais tu ne leur diras rien, évidemment.
— Évidemment. »
Angelo acheva de se retourner tout à fait et ils ne se dévisagèrent que le temps pour leurs bouches de se retrouver pour un baiser. Sous leurs souffles mêlés, Shura perçut tout ce qui nourrissait le vide de son existence dès qu’il était loin de lui. Les yeux fermés, il se dissolvait dans la chaleur du corps de l’autre qu’il tenait étroitement contre le sien. Ne restait plus de lui qu’une vibration à la frontière de la douleur, accordée à celle du Cancer ; leur amplitude commune gagnait en puissance mais il ne lui serait pas venu à l’esprit de la juguler. Dans le cas contraire, il n’aurait d’autre choix que d’exprimer à haute voix ce qu’il n’autorisait que son corps à exprimer.
Tu me manques. Tellement.
Ces mots avaient éclos dans le silence de son cœur la dernière fois que leurs mains s’étaient lâchées avec la promesse de se retrouver « bientôt« . Il n’avait cependant aucun droit de les prononcer. Un autre genre de serment. Dans les deux cas, les rompre n’était pas son genre.
Ils se resserrèrent encore un peu plus l’un contre l’autre, de nouveau avides et impatients, avant de tanguer vers le lit. Ils avaient quatre jours plein devant eux. Une parenthèse du même genre, exactement, que celles entre lesquelles ils s’étaient donnés, abandonnés, perdus des mois durant ; un paradis cerné par un enfer. Mon propre enfer, songea Shura dont le corps tout entier frémit quand il s’enfonça dans celui d’Angelo ; le gémissement guttural de ce dernier résonna sourdement dans le creux de son cou où l’autre avait enfoui son visage. Le retrouver, le voir, l’entendre, le toucher, le goûter, le sentir, enfin ! Poursuivre une découverte sans cesse renouvelée et surtout inespérée après plus de vingt années jalonnées de fantasmes, d’espoir, de frustration et pour finir de résignation. Le miracle avait eu lieu. Mais à quel prix !
Il jouit dans le corps d’Angelo. Longuement. Intensément. Indéfiniment. Et lorsqu’il rouvrit les yeux, il se trouva happé par le bleu profond et trouble de son regard. Le plaisir l’avait fauché lui aussi sans que Shura s’en rendît compte, trop absorbé par ses propres sensations et un désespoir qui ne disait pas son nom.
« Trop rapide, fit l’Italien d’une voix traînante alors que Shura s’allongeait sur le flanc pour lui faire face.
— Trop de jours », répliqua ce dernier du tac au tac mais avec un défaut de légèreté qui ne manquerait pas d’interpeller le Cancer, reconnut-il in petto et de se voir confirmer ses doutes quand les doigts d’Angelo vinrent s’égarer, l’air de rien, sur sa cicatrice, avant de poursuivre leur route faussement nonchalante vers son cœur. Celui-ci battait toujours aussi fort, malgré la jouissance qui refluait, malgré la torpeur qui descendait en lui et à laquelle il ne voulait pas céder. Dormir, c’était ne pas le voir. C’était ne pas profiter. C’était perdre un temps qui avait déjà commencé à leur filer entre les doigts sans qu’il pût jamais rivaliser avec sa course.
« Tu as encore mal ? » Demanda Angelo au bout d’un moment, dans le silence tranquille de la chambre. Shura hésita : la main du Cancer était toujours sur son torse, recouvrant tout à la fois sa blessure et son cœur.
« Parfois. »
Souvent. D’autres mots se bousculèrent inutilement derrière les lèvres serrées du Capricorne. Ils ne lui échapperaient pas, et avec eux une vérité dont il n’avait pas le droit de donner corps aux conséquences.
Le profond soupir de l’Italien ramena ses pensées vers lui, et il vit son corps musculeux se détendre. Contre toute attente, il percevait dans son propre corps le profond apaisement qui venait de s’emparer d’Angelo, dont l’aura se ré-accordait au fur et à mesure que les tensions le désertaient . Son cosmos était rivé au sien depuis son arrivée, réalisa Shura, avec étonnement. Bien sûr, il avait perçu l’arrivée de l’Italien avait même qu’il passât les portes d’entrée de l’hôtel, et celui-ci ne s’était probablement pas renseigné auprès de la réception quant au chemin à suivre pour venir le retrouver. Il ne s’était toutefois pas rendu compte de la mise en résonance immédiate de leurs auras indépendamment de leurs volontés respectives.
Lorsque Shura éleva son propre cosmos de quelques degrés, un sourire naquit sur les traits du Cancer, adoucissant ses traits dont son compagnon réalisait tout à coup la tension et la fatigue apparentes. Le cœur soudain à l’étroit devant ce spectacle, l’Espagnol réprima tant bien que mal son envie de prendre ce visage entre ses mains pour le dérober au monde et bien que l’or palpitant de leurs cosmos à présent indissociables lui dissimulait le regard d’Angelo, la présence de ce dernier tout autour de lui était désormais établie, à la fois protectrice et fébrile.
Trop fébrile. Mais alors que, mue par l’inquiétude, une question informulée tentait de se frayer un chemin dans les pensées de Shura, la capture inattendue de ses lèvres par Angelo la coupa dans son élan, en même temps que le cosmos du Cancer refluait. Il y avait, dans ce baiser, une urgence fiévreuse, une invitation qui ne souffrait aucun délai.
As-tu donc besoin de moi, autant que moi de toi ?
Une nouvelle fois leurs corps s’épousèrent avec la même aisance de ceux qui ne s’étaient jamais séparés et toujours connus. L’évidence était en chacun de leurs gestes ; ils n’avaient de cesse de se découvrir pourtant et en le voyant jouir sous lui, Shura éprouva au creux de ses entrailles la même palpitation que celle qui l’avait vu chavirer près de deux ans plus tôt, pour la première fois. Que ne pouvait-il garder cet homme contre lui, et l’aimer ? Il sentait, d’une façon confuse, qu’il n’existait aucune autre alternative pour lui-même et moins encore pour Angelo. Ce pressentiment, qu’il n’était pas prêt à assumer à l’époque, l’avait alors conduit sur un chemin qu’il n’aurait jamais dû emprunter ; aujourd’hui, il le reconnaissait pour ce qu’il était à savoir une évidence, qui ne le rendait pas plus supportable.
Le silence finit par s’établir dans la chambre. La tête d’Angelo reposait, lourde, sur le ventre de Shura dont les doigts jouaient distraitement avec les mèches cobalt en désordre. Les montres n’avaient pas droit de cité lorsqu’ils se retrouvaient de la sorte mais quelque part dans la suite, une horloge égrenait bruyamment les secondes : l’Espagnol se promit de la faire taire dès qu’il se serait extirpé de sa léthargie. Ils n’avaient pas besoin que qui ou quoi que ce fût vint leur rappeler qu’ils ne disposaient que de quatre jours.
C’était, quoi : la quatrième? Non la cinquième fois qu’ils se retrouvaient de la sorte depuis l’été précédent, à raison d’une escapade tous les deux mois en moyenne. Au vu de la situation, ce n’était pas si mal. D’une certaine manière, d’aucuns auraient même pu affirmer sans exagération qu’ils avaient passé plus de temps ensemble au cours des douze derniers mois qu’au cours de ces cinq dernières années. Voire dix. Il y avait largement de quoi s’en contenter, non ?
Non.
La mâchoire du Capricorne se crispa alors que naissait comme une douleur sous ses côtes. L’accord qui les liait tous les trois, il l’avait passé en toute connaissance de cause ; après tout, c’était lui qui l’avait proposé. Sur le moment, cela lui avait paru être une bonne idée en ce qu’il respectait, et les attentes de Marine et les aspirations d’Angelo. Son équilibre. Shura n’avait jamais rien voulu d’autre pour lui que la paix et parce qu’elle s’était si longtemps fait désirer, il ne serait pas dit qu’il serait celui qui en priverait le Cancer. Il n’avait cependant pas imaginé une seule seconde que ce serait aussi… difficile.
Sa main s’immobilisa dans la chevelure hirsute de l’Italien dont la respiration profonde et régulière attestait du sommeil dans lequel il avait fini par sombrer. Et lui ? Attendait-il lui aussi leurs retrouvailles avec la même impatience ? Sa frustration était-elle du même tonneau que la sienne ? Oubliait-il tout le reste dès lors qu’ils étaient ensemble comme Shura oblitérait pour sa part le monde entier et au-delà ? Il semblait au Capricorne que oui s’il se fiait à l’intensité de leurs étreintes et à l’urgence qui les sous-tendait, aux mots qu’Angelo laissait parfois échapper et dont il n’était pas coutumier, à son regard lorsqu’il se taisait. Entre l’impression et la vérité cependant subsistait un pas que Shura craignait de franchir. Et s’il se trompait ?
« Hé. »
L’Espagnol releva précipitamment les paupières en entendant la voix d’Angelo. Il n’avait pas conscience d’avoir fermé les yeux, et encore mois d’avoir crispé ses doigts sur les mèches cobalt.
« Désolé. »
S’appuyant des deux mains sur le matelas de part et d’autre du corps de Shura, le Cancer se hissa jusqu’à sa hauteur. De nouveau, le Capricorne retrouva sur son visage les stigmates d’un épuisement dont il se reprocha mentalement de ne pas y avoir tout de suite prêté attention, trop obnubilé par sa propre impatience. Et dans le même temps, il réalisa également que bien que leurs cosmos se fussent mêlés presque tout de suite tant ils étaient devenus semblables, l’accès aux niveaux profonds de l’aura d’Angelo lui était refusé. Par son propriétaire.
Les yeux agrandis, Shura le détaillait au-dessus de lui mais alors qu’il ouvrait la bouche pour l’interroger, l’Italien lui grilla la politesse :
« Moi j’ai mal. »
D’abord, il ne comprit pas. Puis la question d’Angelo lui revint, avec la réponse qu’il lui avait livrée en retour, qui se voulait sibylline. Pas suffisamment de toute évidence. Le front du Cancer s’abaissa jusqu’à toucher le sien et son cosmos se déploya. Tout entier.
* * *
Il se serait battu s’il l’avait pu. A dire vrai toutefois, il était déjà assez assommé comme ça pour ne pas avoir besoin d’en rajouter.
A son côté, le visage tourné vers lui et une main glissée entre sa joue et l’oreiller, Angelo s’était rendormi à plat ventre mais pas son cosmos. Non, celui-ci était rivé à celui du Capricorne pour s’y abreuver avec une voracité qui rappelait à Shura celle dont lui-même avait fait preuve à son égard lorsqu’il s’était agi de sauver son bras gauche. A ce souvenir, il frissonna, non pas de peur mais de regret – Si seulement… ! – avant de reporter son attention sur l’autre homme.
Les kilos enfuis, le visage amaigri, les cernes, les ombres, tout autant d’indices de l’inimaginable pour Shura qui l’avait écouté parler avec une horreur au moins équivalente à celle qui avait refermé ses mâchoires sur son cœur lorsqu’il avait découvert les dégâts dans l’aura du Cancer. Des dégâts qu’il avait jugé de prime abord irréversibles sans oser le dire ; leurs cosmos ouverts l’un à l’autre, Angelo avait cependant lu dans ses pensées et argué de son expérience en la matière, lui dont le septième était acquis et non inné.
« Ce que j’ai réussi étant gamin, je peux le refaire à presque quarante piges, OK ? », avait-il argué crânement, tirant au Capricorne un sourire qui masquait sa détresse, avant de rajouter un ton plus bas : « J’en ai vu d’autres, ne t’en fais pas pour moi. »
Non, bien sûr. Le pire était sans doute que d’une certaine manière, Shura n’était même pas surpris. Il n’était pas dans les habitudes d’Angelo de quémander de l’aide ; dans son souvenir, il ne s’y était résolu qu’une seule et unique fois – une main couverte de sang qui tremblait, une main que l’Espagnol avait saisie – et depuis, plus rien. Il lutterait comme il l’avait toujours fait, et il lutterait seul. Pour des raisons qui lui appartenaient mais Shura savait qu’il faisait partie de la liste : Mü les avait mis en garde quant aux conséquences sans espoir de retour si par malheur ils « s’amusaient« de nouveau à dépasser les limites cosmiques de leurs individualités. La chance – et Dôkho – avaient été de leur côté une fois ; statistiquement parlant, ils n’étaient pas censés tenter le diable – ou ce qui en tenait lieu – à plusieurs reprises, tout chevaliers d’or qu’ils fussent. La mort, ça, ils connaissaient ; la dissolution de leurs êtres jusqu’à ne plus former qu’une seule âme, c’était autre chose. Tentant, certes. Mais après ?
Pour l’heure, Shura lui prêtait assistance dans les limites du raisonnable et ne pouvait qu’en constater les effets bénéfiques : déjà les nuances du cosmos du Cancer, devenues souffreteuses et grisâtres, retrouvaient de leur vigueur et les reflets cuivrés qui l’avaient toujours parsemé se percevaient de nouveau de loin en loin. Sa présence se raffermissait, et gagnait en consistance ; non sans une émotion qu’il peinait à contenir, Shura retrouvait dans les liens qui se retissaient entre eux l’écho pâle mais bien réel de la symbiose à laquelle ils avaient tous les deux été prêts à tout sacrifier quelques mois plus tôt. Les béances qui toutefois émiettaient la substance du cosmos de l’Italien seraient autrement plus difficiles à ravauder sans risquer pour de bon l’irréparable ; seul du temps y pourvoirait.
Du temps ?
Shura ravala un rire de désespoir. Oui, du temps, ensemble, l’un auprès de l’autre, pour se reconstruire chacun à leur façon car prendre conscience de l’impact de leur éloignement sur le cosmos et la pysché d’Angelo le renvoyait à ses propres souffrances. Différentes, plus larvées, plus vicieuses dans leur façon de le détacher petit à petit d’un monde dont les couleurs et les saveurs lui échappaient un peu plus chaque jour.
S’enchaîner l’un à l’autre pour mieux se détruire : n’avaient-ils donc survécu aux Portes que pour ce résultat ? Cette non-vie au moment même où un avenir commun qui s’était dérobé à eux pendant si longtemps s’ouvrait enfin sous leurs pas ?
Bon sang, il n’a jamais été qu’à toi, tu ne le vois donc pas ?
Du bout des doigts, l’Espagnol effleura le dos supplicié sans que le Cancer esquissât le moindre frémissement. Il ne sentait rien. Du temps, ils n’en auraient sans doute jamais assez pour réparer ce qui devait – ou pouvait l’être, songea Shura tout en se penchant pour poser ses lèvres au bas de la nuque, à la limite des cicatrices. Il fallait essayer pourtant. Ils en avaient l’obligation l’un envers l’autre. Sinon à quoi bon ?
Une année plus tôt, cette même question l’avait hanté des jours durant. Aujourd’hui, il comprenait à quel point il s’était aveuglé et mesurait l’ampleur de son égoïsme. La douleur qui l’accompagnait alors à chaque seconde de son existence n’y était certes pas étrangère mais elle n’était pas la seule en cause ; lutter contre le destin était tout aussi épuisant. Il s’était trompé une fois, il ne reproduirait pas la même erreur.
Et donc ? Tout le monde a un destin, figure-toi. Tu n’aurais pas oublié quelqu’un, par hasard ?
Quelqu’une. A qui il devait d’être encore en vie. Et de pouvoir enfin aimer celui qui ronflait présentement à ses côtés.
Savait-elle ? Oui, forcément. Angelo ne lui en avait rien dit – très tôt, ils avaient acté le fait de ne pas évoquer tout ce qui n’était pas eux – mais le septième sens de Marine, aussi brut fût-il, avait forcément alerté la jeune femme quant à l’état délétère de celui qui partageait son quotidien et elle était bien trop intelligente pour son propre bien pour ne pas en tirer les conclusions qui s’imposaient.
Alors ?
Alors ils avaient passé un accord dans l’intérêt d’Angelo, parce que le Capricorne et l’Aigle se ressemblaient sur bien des points. Amoureux du même homme et pétris d’un même sens de l’honneur parfois mal placé : quelles que fussent les raisons, même les plus indiscutables, qui pourraient mettre à mal ledit accord, aucun des deux n’en reconnaîtrait ne serait-ce qu’une seule. Quel qu’en fût le prix à payer.
Jamais.
Dans l’intérêt d’Angelo, vraiment ?
* * *
A l’origine, Shura avait proposé Grenade, en Andalousie avec derrière la tête l’idée une escale à Madrid. Histoire que cet appartement où il traînait l’absence d’Angelo comme un boulet insupportable s’imprégnât de nouveau de son cosmos et qu’il pût y retrouver, après son passage, assez de lui pour tenir jusqu’à la prochaine fois. Mais à l’autre bout du fil, l’Italien avait argué du mariage de Thétis et de Kanon, dont il avait chacun reçu dans leur boîte aux lettres – ou ce qui en tenait lieu pour certains – le carton d’invitation établi dans les règles de l’art. Afin qu’il en restât quelque chose de matériel par-delà des souvenirs, avait-elle justifié auprès de leurs pairs qui s’en étaient étonnés alors que l’annonce de l’événement leur avait été communiquée d’esprit à esprit d’une façon inoubliable de leur point de vue.
Portée par le cosmos de son compagnon, Thétis avait su les atteindre les uns après les autres avec une douceur infinie, qu’ils fussent tout près ou à l’autre bout du monde, et partager avec eux ce bonheur duquel ils étaient, chacun, partie prenante à leur façon. Ils en avaient retiré une même émotion et, par la grâce de cet instant, retrouvé cette unicité qui les liaient tous plus sûrement qu’une même famille.
Le carton en question, écrit à la main – de la graphie ample de Kanon qui ressemblait à s’y méprendre à celle de son jumeau – était orné d’un pétale de rose d’un rouge intense. L’idée que quelques-uns eussent hésité une fraction de seconde avant de poser un doigt dessus aurait fait sourire Thétis. Sûrement, même si personne ne s’était avisé de lui en faire part. Et parce que l’événement était en soi exceptionnel, Angelo avait décrété que se hisser à la hauteur de l’enjeu était bien le minimum syndical attendu de n’importe quel chevalier d’or. Lui y compris. Quant à tenir compte du post-scriptum dont chacun avait soupçonné Kanon de l’avoir rajouté après validation du carton d’invitation par sa moitié…
« Il va te massacrer, souligna Shura tandis qu’ils débattaient pour la troisième fois du sujet tout en louvoyant entre les passants et autres touristes.
— J’aimerais bien voir ça, tiens.
— Pas moi.
— Dois-je en conclure que tu le laisserais faire sans réagir ? Toi mon bon vieux partenaire dans le crime ? »
Shura leva les yeux au ciel sans pour autant réussir à dissimuler son amusement, ce qui lui valut un sourire de vainqueur de la part d’Angelo.
Une heure plus tôt, ce dernier l’avait – littéralement – sorti du lit et expédié sous la douche avec un coup de pied aux fesses. Si l’espace d’un instant, l’Espagnol avait caressé l’idée de lui résister, il avait finalement choisi de se laisser malmener, le plus mollement possible. Après tout, Ils n’avaient que quatre jours. Pas mille. Lorsqu’il était ressorti de la salle de bains en même temps qu’un épais nuage de vapeur, ce fut pour constater qu’Angelo était prêt, voire pressé.
« J’ai hâte, confirma le Cancer en bifurquant sans prévenir dans une rue plus étroite au point que Shura qui avait continué tout droit, dut reculer avec précipitation pour le rattraper.
— De quoi ? »
D’un geste négligent, Angelo effleura les reins de l’Espagnol dont il s’était rapproché tout en marchant.
« De te voir dans un costume trois-pièces taillé sur mesure.
— Qui te dis que je vais opter pour ce genre de modèle ?
— Tu crois que je ne les ai pas vus, tes gilets suspendus dans ton armoire ?
— Parce que je les ai déjà portés devant toi, peut-être ?
— Ah tu vois, tu avoues. Et, non, tu ne m’as jamais fait cet honneur.
— Si j’en crois ta main baladeuse, pas besoin de se demander pourquoi.
— Et c’est toi qui dis ça ? »
En face d’eux s’avançaient une femme et deux enfants dont l’un se trouvait dans une poussette. Ils n’eurent pas besoin de se concerter pour s’écarter l’un de l’autre afin de leur céder le passage et lorsqu’ils purent reprendre leur route, Shura laissa échapper d’un voix légèrement rauque :
« Considère que tu as eu de la chance sur ce coup-là.
— De ne pas avoir l’occasion de vérifier à quel point j’ai raison, peut-être ? »
Le rire moqueur d’Angelo rebondit entre les murs de la rue comme il allongeait le pas, sa silhouette athlétique se jouant des alternances entre les ombres et les rayons du soleil qui tombaient de loin en loin sur le pavé. Pour l’avoir observé, détaillé, scruté des années durant et plus particulièrement tout au long de son adolescence, Shura connaissait le corps du Cancer par cœur et s’il avait su dessiner, il aurait pu en tracer les lignes les yeux fermés. Cela n’empêchait en rien de continuer à s’en émouvoir, ni à l’espèce de torsion plutôt agréable de vriller dans ses entrailles à chaque fois que l’occasion lui était donnée de le contempler sans qu’il le sût.
Enfin, il furent devant la boutique du tailleur dont Angelo lui avait vanté les mérites.
« Sérieusement ? »
Sous le coup d’œil empreint de doute que lui lança Shura, l’Italien haussa les épaules :
« Tu es pourtant bien placé pour savoir qu’il ne faut pas se fier aux apparences, non ? Figure-toi que cette boutique existe depuis plus de cent cinquante ans.
— On ne s’en serait pas douté, dis donc, ironisa l’Espagnol en fixant ostensiblement son attention sur les boiseries décrépites de la devanture et sa vitrine d’un autre âge.
— Il te reste toujours l’option jeans – tee-shirt – baskets, hein. Mais qu’on soit bien d’accord : tu ne m’approcheras pas à moins de cinq mètres, capisci2 ?
— Ce n’est pas le sujet. Je dis juste que… »
Shura n’eut pas le temps de finir sa phrase : sous l’effet d’une bourrade dans le dos que n’aurait pas reniée un Aldébaran approbateur, il fut propulsé en direction de la porte qui venait de s’ouvrir comme par enchantement devant lui.
« Si monsieur veut bien se donner la peine… »
Et Angelo de refermer d’un coup de talon ladite porte sur eux puis d’interpeller dans son italien le plus chantant un vieil homme très digne, debout derrière un vénérable comptoir en bois précieux et vêtu d’un complet aux lignes impeccables :
« Signore Cavalli ! Votre nouveau client, comme promis ! »
* * *
Malgré le froid de ce début de printemps, le soleil était trop éclatant pour ne pas braver le thermomètre et mieux en profiter en terrasse. Celle du café où elle s’était installée était bondée. Tant mieux. Ainsi elle pouvait plus facilement passer inaperçue.
Elle avait délaissé son livre, resté ouvert tout à côté de son troisième expresso, son agenda protégé par une élégante couverture en cuir et accompagné d’un stylo plume occupant le reste de l’espace disponible sur la petite table ronde. A ses pieds reposaient deux sacs rectangulaires en papier épais, siglés de grandes marques italiennes de prêt-à-porter. Son vaste sac à main, pour sa part, pendait négligemment au bout de ses anses accrochées au dossier de la chaise ; le grand H doré qui tenait lieu de fermoir brillait sous le soleil bientôt proche de son zénith.
Elle ne se préoccupait cependant d’aucun de ses effets personnels, ni des serveurs qui virevoltaient autour de sa table, tout disposés à s’empresser auprès de cette belle et riche trentenaire dont les principales activités semblaient se résumer au shopping et à l’oisiveté. Non, derrière ses larges lunettes de soleil, son regard demeurait rivé sur l’entrée de la Via Broletto.
Les deux hommes s’y étaient engouffrés depuis près de deux heures. Elle leur avait emboîté le pas – de loin – dès leur sortie de l’hôtel en face duquel on lui avait loué un petit appartement au dernier étage de l’immeuble et qui donnait, par un heureux hasard, sur la suite occupée par ses deux cibles du moment. Ce même hasard sûrement – à moins qu’il s’agît de chance – avait voulu qu’ils choisissent d’arpenter les rues jalonnées d’enseignes de luxe qu’elle avait l’habitude de fréquenter. Joindre ainsi l’utile à l’agréable lui avait permis de ne pas se faire remarquer mais c’était toutefois non sans une certaine surprise qu’elle les avait vus entrer dans l’établissement le plus réputé de la ville si ce n’était du pays – voire au-delà – en ce qui concernait la confection masculine sur mesure.
Un profond soupir lui échappa alors qu’elle s’appuyait contre le dossier de sa chaise, de plus en plus inconfortable. Elle avait tout de suite deviné qu’elle en aurait pour des heures avant de les voir réapparaître et la terrasse de café lui avait fort opportunément tendu les bras lorsqu’elle était revenue sur ses pas en quête d’un lieu où patienter. Bon sang, que cette filature était ennuyeuse ! Les emplettes auxquelles elle avait tantôt pris un plaisir éphémère n’était déjà plus qu’un souvenir auquel seul le talon de son escarpin à semelle rouge qui battait distraitement contre les sacs la rappelait. Et dire qu’elle en avait pour quatre jours…
Elle avait beau savoir qu’elle ne savait pas tout, elle ne voyait toujours pas les raisons de cette surveillance à laquelle on l’avait assignée, arguant de sa parfaite connaissance des lieux et de ses compétences. Qu’elle n’avait pas encore jugé utile de mettre à profit : le Nikon était resté sagement au fond de son sac et n’était pas prêt d’en sortir, songea-t-elle encore en s’efforçant cette fois de ravaler son soupir. Étaient-ils en mission pour le Sanctuaire ? Si c’était le cas, ils faisaient preuve d’une discrétion méticuleuse ; rien dans leur attitude ne laissait présager quoi que ce fût. Dans le même temps, ils venaient d’arriver à Milan. Peut-être était-il encore trop tôt ?
Par ailleurs, malgré la localisation avantageuse de ses quartiers actuels, les fenêtres de la suite étaient conçues de telle manière à refléter la lumière du jour ; elle allait devoir attendre la nuit pour espérer surprendre elle ne savait quoi. A moins que…
Si on n’avait pas jugé bon de lui préciser les attendus de sa mission, peut-être était-ce tout simplement parce qu’il n’y avait rien à préciser. Qu’ils étaient évidents. La suite la plus luxueuse de l’un des plus luxueux hôtels de la ville. Deux hommes. Ensemble. Et sans but apparent. Bien malgré elle, ses yeux s’agrandirent derrière ses lunettes de soleil sous l’effet de cette hypothèse pour le moins saugrenue. Qu’espéraient donc ceux qui l’avaient recrutée, du genre de clichés qu’elle serait alors fondée à capturer, dignes d’un paparazzo de seconde zone et de qualité aussi médiocre ? Elle était peut-être douée, mais certainement pas magicienne au regard des conditions dans lesquelles elle opérait.
Un relent de frustration de plus en plus familière froissa ses lèvres carmines d’un vilain pli et elle resserra les liens qui maintenaient ses longs cheveux noirs en queue de cheval, savourant leur tiraillement sur son cuir chevelu. Elle était capable de plus et de mieux, bien qu’elle n’eût pas les mêmes capacités que certains de ses camarades. Et on le savait. Sinon, pourquoi l’avoir recrutée ? Pourquoi subvenir à ses besoins avec autant de générosité et lui offrir cette vie dont elle avait toujours rêvée ?
Une ombre traversa son visage alors que surgissait une pensée parasite : à moins que décidément, elle se surestimât. Qu’au contraire, on eût besoin d’elle justement parce qu’elle n’était pas devenue ce qu’elle aurait pu – aurait du ! – devenir.
Les cliquetis empressés de vaisselle dans son environnement immédiat la sortirent de sa soudaine morosité et la renseignèrent sur l’heure : midi approchait et la terrasse de café se transformait en terrasse de restaurant. Elle ne tarderait pas à se voir poliment priée de débarrasser le plancher à moins que madame souhaitât déjeuner ? Auquel cas, le personnel se ferait un plaisir de dresser son couvert dès que possible.
Ce ne serait pas utile, cependant : la mi-journée concernait tout le monde, y compris les tailleurs les plus réputés. Et en effet : les deux hommes surgirent dans le soleil depuis l’encadrement sombre de la Via Broletto, l’un dépliant ses lunettes de soleil, l’autre faisant basculer sur son nez celles juchées sur son crâne. Ils avaient les mains vides, ce qui signifiaient qu’ils y retourneraient avant la fin de leur séjour. Résignée, elle se leva et commença à rassembler ses affaires : la filature était loin d’être terminée.
Ils entreprirent de traverser le carrefour, marchant d’un même pas, l’un sanglé dans un court manteau en laine, sombre et cintré, l’autre dans un épais blouson en cuir vieilli. Contre toute attente, au lieu de s’acheminer en direction de leur hôtel, ils obliquèrent pour se diriger droit vers la devanture du café d’où elle les observait et son sang gela instantanément dans ses veines. « Non, impossible ! », balbutia son esprit, paniqué, alors qu’elle restait là, figée, sous le regard de plus en plus impatient des serveurs. Les deux hommes ne pouvaient pas avoir détecté sa présence, elle avait fait très attention, son cosmos était cadenassé avec soin ainsi qu’on le lui avait enseigné, elle avait répété cent fois, mille fois les exercices de méditation qu’on lui avait enjoint de pratiquer, elle avait appris à contrôler ce qui l’avait rendue si instable depuis son enfance, rien ni personne ne pouvait plus désormais la prendre en défaut, elle était au moins capable de cela, elle le savait, elle…
Ils bifurquèrent à angle droit une fois parvenus sur le seuil de la terrasse après un bref conciliabule qui vit leurs têtes pencher l’une vers l’autre et leurs mains s’effleurer dans l’ombre de leurs corps soudain trop proches. L’instant parut s’étirer alors que très lentement, elle relevait la tête, ses verres fumés rencontrant brièvement l’éclat aveugle de ceux de l’homme aux cheveux courts et noirs avant qu’il emboîtât le pas de son compagnon.
D’accord. Cette fois, plus aucun doute : ces deux-là n’étaient pas en mission pour le Sanctuaire. Ou s’ils l’étaient, non seulement ils en profitaient pour reconstituer leur garde-robe mais s’envoyaient aussi en l’air par la même occasion.
Une inspiration profonde ponctua sa révélation soudaine, alors que le danger s’éloignait ; d’un dernier geste empressé, elle rafla les sacs sous la table, accrocha son Hermès à son épaule puis gagna le trottoir d’en-face, s’exhortant toutefois à modérer son allure jusqu’à recouvrer une nonchalance de bon aloi, perchée sur ses hauts talons, alors que son cœur battait encore la chamade.
La distance entre eux et elle s’accrut sans pour autant qu’elle les perdît de vue et ils s’enfoncèrent tous les trois dans les ruelles étroites du centre historique ; au début cela ne posa pas de problème, la foule était dense à cette heure où il s’agissait de rallier le lieu du déjeuner, mais lorsque les deux hommes décidèrent de s’écarter des artères les plus passantes pour s’égarer dans des rues quasi-désertes, elle sut qu’elle devait rompre là la surveillance. Elle avait eu de la chance une fois ; inutile de tirer sur la corde.
Toutefois, alors qu’elle reculait dans l’ombre d’une impasse pour mieux s’éclipser, ils s’immobilisèrent au milieu d’une venelle déserte, bordée de maisons anciennes. Le bras de l’homme brun glissa sous le blouson de l’autre pour s’enrouler autour de sa taille ; son vis-à-vis se rapprocha de lui et ce faisant, il entra dans la lumière qui alluma des reflets cobalt à sa chevelure hirsute.
Elle avait réglé l’appareil en mode silencieux. Le baiser entre les deux hommes fut capturé en mode rafale, autant d’images stockées sur la carte qu’elle allait devoir trier pour n’en conserver que les plus représentatives. Son bras cependant finit par retomber, le Nikon pesant lourd au creux de sa main ; ignorants de sa présence, les deux chevaliers d’or continuaient à s’embrasser comme des adolescents. Elle fut d’abord étonnée, puis gênée de percevoir une chaleur aussi douce qu’incongrue s’épanouir au creux de son bas-ventre tandis qu’elle les contemplait. Ils dégageaient tout à la fois une tendresse infinie et une sensualité trouble et sauvage que rien ne semblait pouvoir endiguer. Si c’était là ce qu’elle était censée découvrir au sujet du Sanctuaire, alors il ne lui restait plus qu’à espérer que son cosmos avait rempli son office lorsque son index avait appuyé sur le déclencheur. Car sa seule sensibilité, à elle, ne saurait être en mesure de fixer et de rendre sur le papier l’indéfinissable de ce à quoi elle était en train d’assister et qu’elle percevait pourtant par toutes les fibres de son corps.
En définitive, ils furent les premiers à disparaître et il lui fallut de longues secondes pour s’ébrouer enfin et rejoindre le cœur animé de la ville. Rendue à ses propres réflexions, elle se laissa aller à déambuler parmi la presse des anonymes. Comment deux chevaliers d’or pouvaient-ils être aussi… insouciants ? Lorsqu’elle avait accepté cette mission, ou plus exactement lorsque cette mission lui avait été imposée – qui était-elle pour la refuser ? – elle en avait mesuré les risques et n’avait pas eu besoin de vérifier l’identité de ceux qu’elle était censé pister. Elle les connaissait déjà et se rappelait de leur visage. Aucun apprenti, fût-il plus ou moins doué, n’oubliait jamais le moment où son chemin croisait celui d’un chevalier d’or. Pour ceux qui avaient eu cette chance bien entendu, comme elle qui s’était entraînée au Sanctuaire.
Elle s’était retrouvée sur leur chemin par hasard, un jour qu’elle s’évertuait à pourchasser un lapin sur ordre de son instructeur et qu’elle s’était égarée jusqu’aux limites du Domaine Sacré où les gens comme elle n’avaient pas le droit de pénétrer.
Alors que mue par la curiosité, elle admirait au loin le dôme étincelant de blancheur qui coiffait ce qu’elle savait être le temple du chevalier du Bélier, elle avait été jetée à terre avec rudesse puis écartée du chemin du bout du pied par un garçon dont elle n’avait d’abord entrevu que la silhouette athlétique avant d’aviser sa figure où le mépris le disputait à l’arrogance. Mais plus encore que ses traits agressifs, c’était son regard où luisait l’étincelle de la folie qui l’avait clouée net entre les broussailles et les pierres dont les arêtes aiguës lui écorchaient la peau. Elle avait su tout de suite à qui elle avait affaire : le Masque de Mort, que tous au Sanctuaire avaient appris à craindre et dont chacun se tenait éloigné autant que possible. Alors qu’il la toisait tout en l’invectivant, elle avait vu s’approcher le deuxième garçon qui l’avait considérée en silence, avant de saisir le bras de son camarade pour l’obliger à avancer. L’autre s’était dérobé presque aussitôt en lui lançant un regard hargneux mais avait malgré tout obtempéré. Ce n’était qu’en les regardant s’éloigner, tremblante de terreur dans la poussière, qu’elle avait aperçu le sang qui, en séchant, avait raidi le bas de leurs pantalons.
Oui difficile d’oublier, et plus encore d’imaginer que les deux presque quarantenaires qu’elle venait de surprendre en train de folâtrer en toute quiétude étaient ces mêmes chevaliers d’or aussi puissants qu’impitoyables qui avaient peuplé quelques uns de ses cauchemars d’adolescente vingt ans plus tôt.
Le souvenir la cuisait toujours, réalisa-t-elle sans entrain alors que la fraîcheur printanière transperçait son manteau en dépit du soleil sous lequel elle s’était immobilisée. Sans compter qu’il la renvoyait à son insignifiance, celle qui lui avait été jetée en pleine figure le jour où son maître lui avait annoncé que le Sanctuaire ne la garderait pas. Trop instable, lui avait-il expliqué, et dans l’incapacité de mobiliser son énergie avec assez de constance pour espérer quoi que ce fût. Il n’avait même pas eu besoin de la rabaisser ; les faits parlaient par eux-mêmes. La sentence n’en avait pas moins été cruelle pour la gamine qu’elle était encore à pas même dix-sept ans, renvoyée dans son pays d’origine avec un cosmos aussi erratique qu’inutile et en poche de quoi « commencer une nouvelle vie » selon les critères du Sanctuaire.
Elle n’était rien à côté de ces deux hommes, rien du tout. Un ver de terre valait mieux qu’elle, songea-t-elle avec amertume et une pointe de colère qu’elle connaissait bien. Eux ils avaient tout eu, tandis qu’elle avait essayé de survivre après avoir été chassée de qu’elle avait fini par considérer comme son foyer. Et pourquoi ? Parce que son cosmos n’était pas à la hauteur ! Comme si cette seule composante était tout ce qui la définissait. Cette pensée, bien que ressassée depuis des années tel un mantra pathétique, recelait sa part de mensonge et elle le savait. Si elle s’appliquait aux milliards d’individus ignorants de la part d’énergie primordiale qu’ils recelaient, elle n’avait plus cours à partir du moment où le cosmos était conscientisé. Parce que tout, soudain, tournait autour de lui. Parce qu’il devenait impossible de l’ignorer. Si on ne le contrôlait pas, on finissait amputé de soi-même ; si on le contrôlait, on avait interdiction de l’utiliser à des fins personnelles. En bref, le cosmos occupait le cœur tout entier de l’existence, pour le meilleur comme pour le pire.
Elle faisait partie de ceux qui avaient échoué et elle n’était pas la seule. La foule continuait à aller et venir autour d’elle et l’espace d’une seconde elle fut frôlée par une femme dont le parfum lui en rappela une autre. Un parfum capiteux dans les effluves duquel elle s’était souvent noyée avant qu’erreurs et maladresses à répétition n’éloignât d’elle celle qui assumait de porter une telle fragrance. Qu’était-elle devenue ? Leurs parcours étaient similaires, ou à peu près ; aussi, si elle-même avait été recrutée, pourquoi n’en serait-il pas de même pour son ancienne compagne ? L’idée lui avait déjà traversé l’esprit mais elle n’avait pas demandé. Elle n’avait pas osé, pour ne pas entendre la réponse.
On lui avait promis la liberté. Celle de ne plus se cacher à elle-même. Celle de pouvoir vivre avec son cosmos. Celle de l’utiliser. Celle d’exister, enfin, sans contrainte et sans jugement. Pour obtenir ce qui était son droit, elle devait faire des choses. Comme ces photos qui pesaient dans son sac par exemple. Eh bien soit. Eux vivaient heureux ; bientôt ce serait son tour.
Asgard, avril 2006
« Alors c’est lui. »
Les mains sur les hanches, debout au milieu de la pièce au plafond beaucoup trop bas depuis qu’il avait déployé son imposante stature, Mélanthios observait le nouveau venu d’un œil critique.
« Je te présente Mélanthios Kolosidis, dit Alexei à Guilty qui tiraillait sur son col roulé et regardait autour de lui avec méfiance.
— Mon Guilty à moi était plus grand, commenta le Grec, et plus costaud.
— Tu devrais savoir que la force physique ne fait pas tout, rétorqua Alexei en remisant son sac et celui de son compagnon sous un banc, près de la cheminée qui crépitait joyeusement. Et puis ton Guilty à toi est mort, probablement pour être remplacé par celui-ci. Je te laisse en tirer tes propres conclusions.
— Il a bien pu mourir de mort naturelle, objecta Mélanthios.
— Peut-être. Ou peut-être pas. »
Le Grec renifla, peu convaincu. En face de lui, Guilty continuait son inspection sans se préoccuper le moins du monde de ce qui l’entourait.
« Tu es sûr ? Glissa Mélanthios à l’oreille d’Alexei, toujours sans quitter le nouveau venu des yeux.
— Aussi sûr que possible, crois-moi sur parole. »
« Bien ! Reprit le Grec d’une voix forte. Dans ce cas, mangeons ! »
La proposition parut éveiller l’intérêt de Guilty qui daigna enfin le considérer.
« Voilà qui est mieux – un sourire carnassier étira un coin des lèvres du Gémeau déchu – nous avons à causer toi et moi. »
Le fait était que Guilty était tout, sauf bavard. Trop habitué au silence pour envisager qu’il put en être autrement, il se contenta d’enfourner de pleines fourchettes du gibier que Mélanthios avait cuit sur les braises, en lâchant à l’occasion des grognements en guise de réponses aux questions que le Grec lui posait. Celui-ci, frustré, se tourna vers Alexei :
« C’est quoi ton idée, exactement, avec celui-là ? Questionna-t-il en russe. Parce que vu sous cet angle, je ne vois pas bien ce qu’on va pouvoir faire de ce pauvre type. C’est à peine s’il a l’air de savoir où sont ses pieds !
— Je te l’ai dit tout à l’heure : ne te fie pas aux apparences. Il m’a donné du fil à retordre, rajouta Alexei avec une légère grimace.
— Il est Guilty, d’accord, acquiesça Mélanthios, mais on n’a pas seulement besoin d’une brute sans cervelle. A vrai dire, on a besoin de tout sauf de ce genre de profil.
— Tu ne veux pas lui laisser une chance ? Les dieux seuls savent depuis combien de temps il était sur Death Queen Island. Quelques mois – mais cela m’étonnerait fort – quelques années, voire des décennies. Seul. En ayant tout oublié de ce qu’il est, d’où il vient et surtout, des raisons pour lesquelles il se trouvait là-bas. Si tu étais à sa place, tu ne crois pas que tu aurais besoin d’un petit temps d’adaptation ? »
Repoussant son assiette qu’il avait soigneusement saucée, Mélanthios appuyé son menton sur son poing, considérant pensivement l’homme assis en face de lui et qui continuait à manger sans paraître les entendre.
« C’est ce qui me rend le plus curieux : quelle faute inqualifiable – il appuya sur le mot, ironique – a-t-il bien pu commettre pour avoir été envoyé là-bas.
— Je lui ai déjà posé la question. Il ne sait pas. Il ne se rappelle même pas avoir tué le précédent Guilty.
— Tu n’as pas trouvé de corps ?
— J’en ai trouvé trop. »
Ils échangèrent un regard sombre.
« Putain de châtiment, grommela Mélanthios. Putain de Sanctuaire.
— Oui, et c’est exactement pour cette raison que notre cause a besoin de cet homme. D’abord, et quoi que tu puisses en penser pour le moment, il est fort. C’est Guilty. Ensuite, regarde-le. Regarde ce qu’il est devenu : c’est le Sanctuaire qui lui a fait ça, qui lui a fait subir ce traitement inhumain. Ça lui est arrivé, à lui ; cela pourrait arriver à n’importe lequel d’entre nous. Toi-même, tu as été condamné à cette île parce que tu as utilisé ton cosmos en dehors des règles édictées par le Sanctuaire alors que ton cosmos fait partie de toi, il est toi. Il n’appartient pas au Sanctuaire.
— Où veux-tu en venir ?
— Au fait que tous ceux et toutes celles qui ont choisi de nous suivre doivent savoir pourquoi ils se battent. Et qui mieux que Guilty pour le leur dire, pour le leur montrer ? Cet homme – Alexei sourit quand le sujet de leur conversation releva la tête dans leur direction après avoir terminé son assiette pourtant copieusement garnie – a vu son identité lui être volée. Il est là pour la reprendre. Il est là pour réclamer sa liberté d’être ce qu’il est, celle dont aucun d’entre nous ne devrait être privé.
— … Dimitri ne l’aurait pas mieux dit. »
Mélanthios asséna une claque amicale sur l’épaule d’Alexei qui ploya légèrement sous l’impact tandis que son visage sévère s’adoucissait à la mention de son mentor décédé.
« Je sais qu’il te manque, reprit Mélanthios d’un ton bourru. Il me manque, à moi aussi.
— Je ne sais plus lequel de vous deux m’a parlé pour la première fois de Death Queen Island, mais je me rappelle que j’étais encore enfant. J’en ai fait des cauchemars pendant plusieurs nuits et le matin, je me réveillais en ayant l’impression d’avoir oublié mon propre nom.
— C’est lui sans doute, mais parce que je le lui avais raconté. Vous n’étiez que des gosses ; ce genre de récit, ça marque. »
Dans le silence qui s’instaura, ils considérèrent Guilty qui leur retourna leur attention.
« Mon garçon, tu vas rester quelques temps ici, décréta Mélanthios, jovial. Histoire de te remplumer un peu et de reprendre pied dans la réalité. Bon – il eut un large geste circulaire qui manqua de renverser les bouteilles dont il rasa les goulots – on est en Asgard et je ne vais pas te mentir : ça ne ressemble pas franchement au vrai monde. Mais c’est un début ! Et puis… »
Il jeta un coup d’œil incisif du côté d’Alexei qui le lui rendit, avec un léger sourire :
« … J’ai besoin de me faire ma propre opinion à ton sujet.
— Vous voulez savoir quoi ? »
Première fois que Guilty ouvrait la bouche depuis son arrivée : sa voix était rauque et gutturale, comme rouillée.
« Parce que je ne me rappelle de rien. Je ne sais rien.
— Oh si, il y a au moins une chose que tu sais.
— Laquelle ? Fit Guilty, méfiant.
— Te battre. »
* * *
« Et pour le reste ? » Avait demandé Mélanthios à Alexei juste avant qu’il ne repartît. « Ça se met en place », avait répondu le Russe d’un air si sûr de lui que le vieux chevalier déchu avait opiné sans insister. Ils avaient établi un dernier point d’avancement, puis le Russe était parti, laissant derrière lui un Mélanthios partagé entre la fierté, l’impatience et une pointe de frustration. Alexei était un homme scrupuleux et accordait aux détails une importance qu’il jugeait à part lui quelque peu excessive. Non que lui-même ne fût pas méticuleux mais l’opération avait été réfléchie, adaptée, affinée, simulée des années durant par Dimitri qui les avait associés tous les deux à chaque étape de sa réflexion. Le moment était arrivé et tout était prêt. Il ne restait plus qu’à appuyer sur le bouton.
Au sens figuré comme au sens propre.
Il soupira. Dimitri avait chargé Alexei de tout coordonner, il n’était donc pas censé prendre d’initiative malgré ses doigts qui l’en démangeaient. Par ailleurs, les autres variables de l’équation restaient encore à calculer et il ne s’agissait pas de prendre des risques inutiles. Jetant un coup d’œil à la petite antenne satellite dissimulée par des amas de mousse et de branchages, il tourna le dos au sentier étroit au bout duquel Alexei avec disparu pour s’adresser à Guilty qui savourait le soleil sur son visage :
« Ta fournaise te manque ? »
La tête de l’homme pivota vers Mélanthios :
« J’y étais habitué, répondit-il simplement.
— Les habitudes sont un mauvais réflexe chez un combattant, on ne te l’a jamais dit ?
— Je ne sais pas.
— Ah oui, c’est vrai : tu ne sais pas grand-chose. Allez, suis-moi.
— Où va-t-on ?
— Là où nous allons pouvoir apprendre à nous connaître toi et moi ! »
Guilty traversa la barrière dimensionnelle sans même tressaillir, sous le regard approbateur et impressionné tout à la fois de Mélanthios qui lui présenta les lieux :
« Nous sommes ici dans ma salle d’entraînement privée. Le cadre vaut le coup d’œil, tu ne trouves pas ? »
Il l’avait emmené sur le morceau de terre qui affleurait la surface de l’eau à marée basse, à une petite centaine de mètres du rivage, là où Alexei avait pris l’habitude de le trouver lorsque la petite maison sur le rivage était vide. Tout autour de cette « île« , Mélanthios avait patiemment érigé un treillis cosmique composé de milliers de portions d’univers dont la juxtaposition rendait l’ensemble parfaitement indétectable même aux cosmos les plus aguerris en ce que la somme de l’ensemble était nulle. De l’extérieur, un observateur n’aurait aperçu qu’une île désolée et sans intérêt. A l’intérieur, Mélanthios était libre de ses mouvements sans que quiconque pût les détecter. Par ailleurs, prise séparément, chaque parcelle subtilisée à la trame de l’espace-temps constituait un piège mortel pour les étourdis.
Or, de toute évidence, Guilty n’était pas un étourdi.
« Il y a encore quelques semaines, des dizaines d’icebergs entouraient cet endroit : j’avais l’impression de m’entraîner dans le cœur d’un glacier », raconta Mélanthios tout en ôtant sa veste épaisse, puis un pull en grosse laine et enfin son tee-shirt, dévoilant un torse à la musculature saisissante à la surface laquelle roulaient plusieurs cicatrices ainsi que la marque de son infamie.
« Ça te rappelle quelque chose ? » Questionna-t-il en avisant le regard de Guilty rivé sur l’encre sombre et uniforme. L’autre hocha la tête dans sa direction, sans un mot, puis entreprit lui aussi de se débarrasser de son pull.
Sa peau était si tannée par le soleil implacable de Death Queen Island qu’elle en était presque noire. Lui aussi exhibait une collection de cicatrices qui en disaient long sur le nombre d’adversaires qu’il avait affrontés. Difficile de lui donner un âge, admit Mélanthios face au contraste offert entre un corps taillé pour le combat et un visage qui, trop longtemps dissimulé derrière le masque de Guilty, était d’une pâleur cadavérique et accusait des traits creusés par la solitude et l’oubli. Il lui semblait toutefois que l’homme était bien plus jeune que lui, tout en était plus âgé qu’Alexei. Quarante ? Quarante-cinq ans ? Difficile à dire.
Ah !
Là, sur l’avant-bras. Le même tatouage que le sien qui en effaçait un autre. Mais lequel ? Bronze, argent ? Or ? La découverte promettait d’être passionnante, décida-t-il et lorsqu’il se mit en garde, celui qui serait son adversaire du jour en fit autant, comme répondant à un réflexe.
Et en matière de réflexes, ceux de Guilty étaient pour le moins foudroyants. Alors que tout laissait à penser qu’il n’avait pas vu Mélanthios bouger, il avait déjà disparu quand le pied de l’ancien chevalier fendit l’air là où aurait dû se trouver sa tête. Rapide, approuva Mélanthios. Malin, rajouta-t-il à son évaluation lorsqu’il esquiva les deux poings joints destinés à s’abattre sur sa colonne vertébrale pour la briser.
« Tu n’es plus sur l’île, clama-t-il en se propulsant plusieurs pas en arrière. Je n’ai pas l’intention de tuer. Et tu n’as pas besoin de me tuer non plus. »
Guilty, qui s’apprêtait à s’élancer, se figea. Les sourcils froncés, il examina Mélanthios :
« Alors pourquoi se battre ?
— Je veux me rendre compte de ton niveau, c’est tout.
— Celui qui meurt est le plus faible, décréta Guilty d’une voix neutre.
— J’ai tendance à partager ce point de vue, fit Mélanthios, amusé. En général. Voyons voir : ce que je te propose, c’est que nous nous montrions, l’un à l’autre, de quoi nous sommes capables. Est-ce que ça te va ? »
Guilty parut réfléchir. Puis :
« D’accord, ça me va.
— Très bien. Dans ce cas, reprenons depuis le début. »
* * *
Quelle vitesse !
Subjugué, Mélanthios s’efforçait de suivre les mouvements de son adversaire et devait bien admettre qu’il en ratait quelques uns, comme Guilty lui donnait l’impression d’être à la fois partout et nulle part. Les rafales de coups du Grec, pourtant portés à une vitesse proche de la lumière, ne faisaient que l’effleurer et pas une seule fois Mélanthios ne parvint à le toucher au cours de ce premier round d’observation. Le second vit Guilty passer à l’offensive et sa puissance brute se porter à la hauteur de celle de Mélanthios qui dut déployer des trésors d’ingéniosité pour maintenir la virginité du score. Lui non plus ne fut pas touché, mais cela avait été moins une.
« Tu es vieux, lança Guilty, à peine essoufflé comme ils se replaçaient l’un en face de l’autre.
— Fais attention : je pourrais me vexer.
— Non. Tu es fort. »
L’étonnement dans la voix de Guilty fit plaisir à Mélanthios. Oui, il était vieux, indéniablement s’il fallait en croire son passeport. Mais le chevalier d’or qu’il avait été détenait une maîtrise absolue de son corps qui n’avait pas été trop abîmé par une carrière qu’il n’avait finalement pas menée. Sa frustration, il l’avait – au moins en partie – convertie en avantage : un rythme cardiaque moyen réduit de moitié ainsi qu’un entretien quotidien et une hygiène de vie irréprochable lui conféraient un âge physique d’à peine plus la moitié de son âge réel.
Dimitri lui avait raconté que Dôkho, le chevalier d’or de la Balance, avait adopté une tactique similaire ce qui n’étonnait pas Mélanthios, qui l’avait bien connu mais aussi admiré en son temps. Tout le monde au Sanctuaire admirait le Chinois qui excellait dans tous les compartiments du combat. Un modèle auquel il s’était référé plutôt qu’à celui qu’il était censé suivre, à savoir le père d’Andreas Antinaïkos, qui les avait entraînés tous les deux. Mélanthios n’avait jamais été dupe, et souvent regretté que son alignement stellaire lui eût été aussi défavorable. Sous une autre constellation, peut-être que…
Chassant ces souvenirs désagréables, il suggéra :
« On monte d’un cran ? »
C’était risqué. Mais c’était aussi le seul moyen pour lui de tenter d’identifier quelle était la charge de Guilty au sein du Sanctuaire avant d’en être banni.
Peu contrariant, l’autre hocha la tête en signe d’accord. Puis laissa éclater son cosmos.
* * *
Parce que Mélanthios était doté d’un cosmos de chevalier d’or, il put résister à la déferlante de puissance qui s’enfla jusqu’à tirer des gémissements à son treillis dimensionnel. Ce… cosmos, puisqu’il fallait bien l’appeler ainsi, était en réalité un patchwork sans cohérence aucune, indifféremment constitué d’agrégats de configurations énergétiques qui n’avaient rien à voir les unes avec les autres. Pire : il était en théorie strictement impossible de faire tenir ensemble ce qui n’était pas censé coexister au sein d’une même réalité. Et pourtant. Dans l’aura de Guilty se côtoyaient des harmoniques de bronze, d’argent et d’or, toutes discordantes les unes par rapport aux autres. D’une façon inexplicable, son cosmos avait comme aspiré une partie de tous ceux qu’il avait été amené à affronter au cours de son existence. Et ils étaient nombreux.
Mélanthios revit aussitôt à la hausse l’âge de son opposant, sauf à considérer que lors de sa prise de pouvoir, Saga Antinaïkos avait châtié encore plus de monde que la rumeur le laissait entendre. Il n’aurait pas été le dernier à accorder foi à une telle hypothèse ceci dit – après tout, c’était un Antinaïkos : mauvais sang ne saurait mentir – bien que ce fût peu probable. Si cela avait été le cas, il l’aurait su.
Quoi qu’il en fût, le phénomène était inédit à sa connaissance et il s’efforça de se reconcentrer sur le combat en cours. Car d’une simple démonstration de force, ils avaient basculé dans un véritable affrontement malgré leur accord initial dont Guilty semblait avoir tout oublié.
Il aurait bien aimé lui en rappeler les termes mais l’homme en face de lui ne lui en laissait pas le temps. Complètement déchaîné, il enchaînait des coups chargés de cosmos que Mélanthios peinait à déchiffrer tant ils ne correspondaient à rien qui lui fût connu et dans le même temps, lui évoquait des schémas familiers. C’était affreusement agaçant et il allait devoir rappeler à son adversaire que dans le monde où lequel il allait devoir évoluer désormais, faire preuve d’une minimum de méthode pouvait lui sauver la vie.
* * *
Depuis combien de temps combattait-il ? Des heures ? Possible. La réponse toutefois lui importait peu : il vivait de nouveau et c’était tout ce qui comptait.
Alexei l’avait libéré de l’île. Il l’avait extirpé de la brume dans laquelle il évoluait depuis une durée indéterminée et qui l’empêchait de penser, ainsi qu’il s’en était rendu compte quand le masque avait quitté son visage. Il l’avait reconnecté à l’être humain qu’il avait oublié d’être. De tout cela, Guilty était profondément conscient.
Pourtant, il ne savait pas qui il était et cette béance qu’il portait en lui, qui occupait tout l’espace disponible dans son esprit et dans son corps ne lui permettait pas d’établir un lien entre le monde auquel il venait d’être ramené, et lui-même. Le cosmos aurait pu être cette attache, cette pièce manquante qui aurait généré en lui l’écho dans lequel il aurait pu se reconnaître. Mais son cosmos était à son image : fragmenté. Un kaléidoscope illisible où il ne distinguait que des reflets incomplets qui lui renvoyaient des sensations fuyantes, impossibles à saisir. Il n’en restait pas moins qu’aussi incompréhensible qu’elle fût, son aura était tout ce qu’il avait et alors qu’elle répondait à son appel, qu’elle flambait tout azimut, il se sentait de nouveau présent.
L’homme en face de lui, dont Alexei lui avait qu’il était allé sur l’île lui aussi et en était revenu, avait raison en disant qu’il savait se battre. Il ne savait en effet que ça. Et le savait si bien que, confronté à un adversaire du calibre de ce Mélanthios, un feu qu’il ne se souvenait pas avoir jamais connu coulait dans ses veines et la sensation en était enivrante.
En face de lui, un cosmos d’or pur s’élargissait de seconde en seconde. La perception de la force qui en émanait le ravissait et il n’avait plus envie que d’une seule chose : répondre à cet appel, se montrer à la hauteur de son exigence. Puisant dans ses réserves, il augmenta son seuil énergétique dans les mêmes proportions. La question ne l’effleurait pas de savoir s’il en était capable ; il agissait, point. Par contre, comment allait-il pouvoir rendre hommage au cadeau que son adversaire lui offrait ? Il pouvait lui proposer bien mieux que les coups portés jusqu’ici, qui surgissaient dans son esprit à la faveur de telle ou telle ouverture. En lui cohabitaient des arcanes autrement plus élaborés, il lui suffisait de les convoquer lorsque le moment serait venu. Un moment tout proche désormais alors que palpitaient à la surface sa peau nue les crépitements délicieux de l’énergie poussée à son paroxysme.
L’univers tout entier s’ouvrit à la fois en lui et autour de lui. Planètes, soleils, galaxies, nébuleuses… il assistait au mystère de la création sans cesse renouvelé, à la fuite du temps, à l’éloignement infini du cosmos qu’il pouvait dans le même temps embrasser d’un seul coup d’œil.
« Une autre dimension », entendit-il sans plus voir Mélanthios mais dont il percevait la présence. Plus encore : le Grec était partout. Subjugué, Guilty se laissa dériver dans l’espace : il se trouvait au cœur du cosmos absolu de l’ancien chevalier d’or.
« Veux-tu errer ici pour l’éternité ? »
Cette fois la voix était toute proche, presque à son oreille.
« Car j’ai ce pouvoir : celui de commander au temps à l’espace, de voyager entre les innombrables dimensions de l’univers dans son infinité. Ainsi je ne te tuerai pas.
— Mais je mourrai malgré tout.
— Qui pour le vérifier ? »
Allons : voulait-il mourir ? Il ne s’était jamais posé cette question, ou tout du moins ne se rappelait pas se l’être posée. Quand Alexei l’avait vaincu, il avait compris que cette possibilité existait. Mais elle ne s’était pas concrétisée. Et maintenant ?
« Nous avions convenu de ne pas nous entre-tuer mais il semble que tu l’aies oublié, reprit Mélanthios, toujours dans les environs immédiats. Comme tu le vois néanmoins, tu as perdu. Sais-tu pourquoi ? »
Guilty ne répondit pas. En lui s’éveillaient des réminiscences parmi d’autres et il se concentra sur leur émergence tandis que son adversaire poursuivait :
« Parce que concentré sur ta propre puissance, tu as manqué d’attention. Tu n’as pas vu l’attaque en préparation. Parce que c’est cela, aussi, savoir utiliser son cosmos. La force ne suffit pas : la ruse aussi est un atout. »
Là !
Oui. Oui, il avait déjà vu ça ! Il avait déjà tout vu !
« Je vais te laisser quelques temps ici car tu as besoin de réfléchir à ce qui vient de se passer. Et puis… je suis curieux, dit Mélanthios dont la voix se fit lointaine tout à coup. De voir si tu serais capable de te sortir de cette situation par toi-même. Je te dis donc à bientôt. »
La présence de Mélanthios s’évanouit. Soudain, Guilty fut seul, dérivant dans une brèche de l’espace-temps, une dimension vide de tout de ce à quoi il aurait pu se raccrocher pour se convaincre qu’il vivait encore. Il ne lui restait plus que ses impressions brutes, des sensations impulsées par le centre reptilien de son cerveau, celui qui n’était plus que réflexes sans réflexion.
Et l’unique message qu’il recevait était simple : il était vivant.
* * *
Mélanthios tomba à genoux, à bout de souffle. Les ombres avaient pivoté autour de lui ; plusieurs heures s’étaient écoulées. Fermant les yeux, il éprouva l’intégrité des barrières qui protégeaient son terrain de jeu : elles avaient souffert mais demeuraient debout, c’était le principal. Nul ne devait détecter, même de façon partielle, ce qui venait de se dérouler car un tel raz-de-marée cosmique était capable d’alerter le moins capable des porteurs de cosmos à des centaines de kilomètres à la ronde. Hilda de Polaris avait beau s’être montrée de bonne composition et plutôt accueillante à l’égard de Dimitri et de ceux qui l’accompagnaient, il était peu probable qu’elle tolérât de telles manifestions de puissance sur son propre sol et sans son autorisation. D’autant qu’aucun d’entre eux n’était plus censé se trouver en Asgard.
Merde.
Ce Guilty-là était autrement plus coriace que le Guilty qu’il avait vaincu cinquante ans plus tôt. En l’occurrence seule sa longue expérience et son sens de la stratégie lui avaient permis de l’emporter : s’il avait dû affronter un adversaire du calibre de celui-là quand il n’avait que vingt ans, il ne serait pas probablement plus là pour s’en rappeler.
Alexei savait-il quel genre de recrue il venait d’intégrer aux Enfants du Cosmos ? Serait-il seulement capable de le contrôler ? Mélanthios avait beau reconnaître et respecter les capacités du Russe, il savait qu’il ne serait pas à la hauteur si d’aventure, Guilty décidait… Quoi ? Que pourrait-il décider après tout ? Il aimait le combat, c’était un fait. Et après ? Toute notion de rivalité, d’ambition – et donc de ruse – lui était étrangère. Guilty était une arme. Il pouvait n’être que cela, pourvu qu’on sût l’utiliser.
Rasséréné par cette conclusion, il se releva. D’ici la fin de la journée, il reviendrait et tirerait Guilty du mauvais pas où il l’avait laissé, s’il ne s’en tirait pas tout seul. Cela lui aurait servi de leçon et il pourraient commencer tous les deux à réfléchir à la suite.
Il ne fit pas un pas de plus. Autour de lui, les parois du treillis se resserrèrent brutalement avant d’enfler jusqu’au point de rupture où elles se figèrent. Par miracle, elles résistèrent lorsque la Galaxian Explosion atomisa tout l’espace contenu entre elles, renvoyant Mélanthios dans ses propres filets ; il ne dut sa survie qu’au réflexe foudroyant qui, l’espace d’un centième de seconde, le fit basculer dans une dimension afin d’échapper au souffle de la déflagration. Lorsqu’il réapparut, le sol de la langue de terre était rompu en trois parties et ne tenait que par la grâce du treillis. Le jour où celui-ci disparaîtrait, elle sombrerait dans les flots.
Guilty se tenait en face de lui, les poings serrés mais sans velléité apparente de vouloir poursuivre le combat.
« J’ai gagné », dit-il sans affectation ni fanfaronnade. Un simple constat qui vit Mélanthios pencher la tête sur le côté.
« Aucun de nous deux n’est mort, rétorqua-t-il, aussi je te propose plutôt de déclarer un match nul.
— Si tu veux.
— Je veux, en effet. »
Les lèvres de l’adversaire du Grec, presque aussi pâles que son visage, frémirent. Cela ressembla d’abord à une moue indistincte. Puis elle se raffermirent et s’étirèrent après une hésitation.
Guilty souriait.
1Le Dôme.
2Tu comprends ?
Hello Al’ !
Alors j’ai adoré ce chapitre ! Vraiment. J’ai tout aimé. Déjà le passage avec Angelo et Shura, évidemment. Lire à nouveau leur complicité, les sentiments uniques qui les unissent, et tout le reste, quel bonheur ! Et l’image mentale qui m’accompagne depuis ma lecture est des plus agréable. Car le Cancer et le Capricorne en costumes… Et dans des costumes italiens sur-mesure s’il vous plaît… Mama Mia, j’ai hâte que le jour du mariage arrive !
Et je suis ravie d’avoir fait la connaissance de ta nouvelle protagoniste. Je crois avoir deviné de qui il s’agit… Bah pas bien compliqué non plus. Une italienne au cosmos « dissipé », je n’ai pas hésité longtemps. Et puis la petite référence au lapin a fini de me convaincre. D’ailleurs j’ai beaucoup aimé cette référence au canon, comme toujours. Même s’il n’y avait pas mon chevalier de bronze préféré pour compléter le tableau. Mais pour en revenir à ce nouveau personnage, j’ai beaucoup aimé la description que tu en as faite au début, à la terrasse du café. Elle a l’air d’avoir la grande classe cette Italienne. Je ne connais strictement rien à la mode en général, mais j’ai tout de même reconnu les chaussures. Et pour le sac à main, heureusement que tu as fini par donner le nom de la griffe, car sinon j’étais sur le point de googler pour savoir quelle était cette marque de sac avec un H en guise de fermoir. Oui… Comme tu vois, je m’y connais beaucoup mieux en noms d’attaque de Saint Seiya qu’en noms de marque de haute couture 😅. Et concernant l’ancienne compagne affectionnant les parfums capiteux et ayant un parcours similaire à celui de ton nouveau personnage féminin, mon premier réflexe a été de penser à Marine, mais ça ne colle pas du tout. Alors j’ai pensé à Geist… Quant à l’identité de ceux qui emploient ton Italienne au Nikon, j’ai compris qu’il s’agissait de la bande d’Alexei (les Enfants du cosmos ?). Mais j’ai peut être tout faux…
Et en parlant d’Alexei… Celui-ci a donc ramené Guilty à Asgard. J’ai beaucoup aimé ta description du combat entre Melanthios et l’ancien patron de DQI. Et tiens, je ne me souviens plus de si on en avait reparlé toutes les deux ou pas mais… On avait donc vu juste Lily et moi concernant la maison du chevalier déchu. C’est bien un Gémeau. Et la lecture du dernier passage de ce chapitre m’incite à penser que Guilty en est un lui aussi. A cause de la Galaxian Explosion bien entendu. Mais je ne suis pas certaine non plus, car cela ne collerait peut-être pas trop niveau chronologique. A moins que Guilty ait été pressenti comme Gémeau avant la naissance des jumeaux Antinaïkos ?
Et donc voilà, c’est encore un superbe épisode que tu nous as offert. Riche en événements et en révélations qui ont, tu l’auras probablement remarqué, attisé ma curiosité et conduit mon cerveau à fomenter une ou deux hypothèses.
Merci pour ce moment de lecture absolument délicieux, et bon courage pour poursuivre ton écriture. Je suis impatiente de découvrir la suite, tu t’en doutes, mais je l’attendrai avec toute la patience d’une lectrice assidue.
A très bientôt !
Phed’
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Coucou Phed’ !
Je réponds à ton commentaire toujours enthousiaste (<3) avec retard, j'espère que tu ne m'en tiendras pas rigueur (les contingences du quotidien…).
Tu me vois ravie que tu aies été heureuse de retrouver mes deux cocos favoris ! Je ne suis pas très satisfaite de cette partie car elle était écrite depuis 6 ou 7 ans, évidemment ça ne me plaisait plus, j'en ai refait une version en novembre qui s'est avérée finalement trop succincte, j'ai voulu mixer les deux avec un résultat très bof… bref, je me suis retrouvée à faire une V3. D'où le délai (entre autres raisons). Quant aux costumes, ce sont ceux qu'ils portent dans Traits d’Union 😉 Angelo a toujours eu un goût très sûr pour ce qui était de l’habillement et sous ses dehors un peu « jemenfoutiste », il ne porte en réalité que des vêtements de qualité (c’est son péché mignon XD).
Je prends note de ton hypothèse concernant l’inconnue à l’appareil photo, hypothèse que toutefois, je ne confirmerai / n’infirmerai pas encore à ce stade 🙂 Disons que tu as identifié des éléments pertinents mais… *sifflote*
Eh oui, Mélanthios est bien un chevalier d’or des Gémeaux déchu ! Niveau chronologie, je pense que l’âge de Mélanthios, déjà évoqué dans un chapitre précédent, est un indice 😉 Quant à Guilty, il possède en effet la maîtrise de la GE. Mais cela fait-il pour autant de lui un chevalier des Gémeaux ? Là encore, il y a quelques indices dans ce chapitre 🙂 (Je sème beaucoup de petits cailloux en règle général, il faut le savoir XD)
J’adore en tout cas que les lecteurs se posent des questions et échafaudent des hypothèses ! C’est précieux pour moi, et cela m’amuse aussi beaucoup de découvrir les chemins empruntés par les réflexions des uns et des autres.
Merci, enfin, pour tes encouragements ! Ils sont les bienvenus car cette histoire-là est un sacré sommet à gravir ^^;
Merci pour tes mots et à très bientôt !
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Bonjour!
Voilà un chapitre riche en nouvelles pistes et en émotions… Tout d’abord avec Shura et Angelo, qui semblent un peu mal partis: parce qu’il me paraît absolument évident que la situation actuelle ne peut pas durer, la séparation leur est beaucoup trop délétère, et pas qu’un de point de vue psychologique. Leurs cosmos ont trop fusionné pour supporter l’absence, si je comprends bien, et il va falloir qu’ils se résolvent à l’accepter avec tout ce que ça implique notamment par rapport à Marine… Il va y avoir quelques moments difficiles à passer j’imagine.
La visite chez le tailleur m’a fait sourire, et m’a évoqué certain OS mémorable dans lequel ils font bon usage de leurs costumes… Les mariages, ça a au moins ça de bon;-) Quant à la femme qui les suit, sa présence et sa mission me rappellent une vilaine tentative de chantage dont on voit là les origines, si je ne m’abuse. Je commence peu à peu à connecter les points! Je me risquerais bien à supposer que cette femme est Shaina… J’ai trouvé intéressant d’avoir son point de vue de « recalée ». C’est vrai qu’il y a une profonde injustice dans le fait d’entraîner à la maîtrise du cosmos des enfants qui auraient pu ignorer son existence à tout jamais, pour ensuite les rejeter s’ils ne donnent pas satisfaction suffisante, en leur interdisant d’utiliser leur seul acquis… Sous cet angle, les revendications des Enfants du Cosmos se défendent totalement. Et tu enfonces encore le clou avec Guilty.
Je trouve que cet apport du point de vue des « méchants » rend UNE vraiment très riche, parce que justement on perçoit bien qu’ils ne sont pas méchants; on pourrait parfaitement imaginer une histoire centrée sur eux dans laquelle le Sanctuaire serait l’antagoniste, et honnêtement ça collerait assez. J’aime cette absence de manichéisme et la complexité qu’elle entraîne. Il paraît assez évident que le Sanctuaire ne pourra pas se passer d’une réforme interne radicale, indépendamment du reste…
Par contre, je pense que Mélanthios et Alexei feraient bien de se méfier davantage de Guilty. Celui-ci pourrait bien devenir moins obéissant une fois qu’il se sera mieux « réadapté » et aura retrouvé un peu de personnalité et de jugement propre. Ce n’est jamais une bonne idée de vouloir utiliser une « arme » qu’on est à peine capable de maîtriser, d’autant plus si celle-ci risque de décider de vous échapper…
Ce fut en tout cas un plaisir de te lire encore une fois!
A bientôt,
Lily
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Coucou Lily !
L’évidence crève les yeux, en effet, concernant Angelo et Shura et ce sont finalement les deux principaux concernés qui se retrouvent à lutter contre avec une efficacité des plus… relatives. Leur souci, c’est qu’ils s’aveuglent volontairement, tout en ayant conscience de la situation et de ses conséquences. Côté Angelo, c’est la mauvaise foi qui joue à plein (comme d’hab’, tu me diras…) et côté Shura, c’est l’honneur qui le paralyse. Effectivement, tu as bien compris : leurs cosmos ont fusionné en une entité unique ce qui n’est pas compatible avec un éloignement durable. le phénomène est rare mais il existe, il s’agit d’une conséquence possible de l’alignement des axes. Cet alignement ne donne pas systématiquement lieu à de telles extrémités mais lorsque ça arrive… c’est compliqué.
Ah, ah, merci d’avoir fait le lien avec Traits d’Union XD Il me semble d’ailleurs avoir précisé dans cet OS que les costumes ont bien le mariage de Thétis et Kanon pour origine, donc la boucle est bouclée ! C’est vrai que les mariages constituent des prétextes idéaux pour ressortir du placard des vêtements qui n’existent que pour les grandes occasions 🙂
Concernant l’identité de la photographe, même réponse qu’à Phed’ : je ne confirme, ni n’infirme :3 Il n’en reste pas moins que c’est bien une « recalée » du Sanctuaire, oui. Et en parlant du Sanctuaire… l’endroit, les règles qui le régissent, son évolution à travers les âges, son mode de fonctionnement : ce n’est pas un paradis, ni même la panacée. Le système, tel qu’il existe, est imparfait et repose sur des bases potentiellement discutables. UNE a vocation à aborder plusieurs problématiques et le fonctionnement du Sanctuaire en fait partie, je suis vraiment très contente que le sujet t’intéresse. Le cosmos est à la fois une richesse et une malédiction et ce qu’on en fait / ce qu’on peut en faire / ce qu’on décide d’en faire conditionne une existence toute entière. Mais le cosmos, c’est aussi une responsabilité. De là, faut-il laisser chacun libre d’en disposer à sa guise, ou encadrer son usage au regard des dangers associés ? Vaste question, légitime qui plus est, et que pose les EDC.
Guilty apparaît effectivement très fort, et plutôt dangereux dans son genre. Mélanthios a bien saisi le côté « arme » qu’il représente et je suis assez d’accord avec toi : faut pas faire n’importe quoi avec une arme, surtout si elle est chargée 😉
Merci beaucoup pour ton commentaire, je suis contente que ce chapitre t’ait plu ! A bientôt !
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Ce chapitre, c’est deux salles deux ambiances.
Plutôt décontracté du côté chevaliers d’or (encore que, avec la petite espionne) et plutôt tendue chez les ennemis du Sanctuaire. Si je pige bien, Guilty serait une espèce d’amibe qui récupérer à chaque fois une partie du cosmos de ces adversaires. Donc, s’il emploie la GE à la fois, faut-il y voir une récupération chez un ancien Gémeaux ou est-il Gémeaux lui-même? That’s the question !
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« Deux salles, deux ambiances » XDDD J’adore cette expression XD
Oui, ils sont plutôt détendus côté Sanctuaire (enfin… ça dépend du point de vue. Non, pas de CE point de vue ! XD), sans doute un peu trop comme on peut s’en rendre compte ici, vu qu’ils ne voient absolument pas qu’ils sont suivis.
Ton interprétation des capacités de Guilty tombe plutôt juste ! Guilty peut reproduire les attaques auxquelles il a été confronté, absolument toutes. Du coup, son cosmos est un patchwork qui fluctue en fonction des besoins. De fait, il semble impossible de discerner son affiliation d’origine : de quelles constellation était-il le chevalier ? Mystère ! 🙂
Merci beaucoup d’avoir pris (et surtout trouvé !) le temps de lire ce chapitre et de me faire de tes impressions, j’espère que la suite te plaira !
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Coucou
Deux questions à moi-même qui s’appellent pas forcément réponse:
– est-ce que toutes les versions (les tiennes + celles proposées en complément par tel lecteur enthousiaste) de ce UDC par fois « quantique » 🤓 avec des chemins parallèles finiront pas converger ? (Je m’interroge sur cette ex-apprentie sur le retour 🤔)
– en quoi les photos prises nuieront-elles au sanctuaire ? Personnellement, serais-je plus choquée de savoir que l’assassin de ma famille est détruit par ce qu’on lui a demandé de faire ou bien mène une vie heureuse, de luxure, de richesse ou tout simplement qu’il est heureux ?
Je me rappelle avoir été profondément choquée en lisant des récits de destruction mentale de bourreaux envoyés à l’abattoir par leur camp (Shoah par balles cessée aussi par ce que trop de soldats allemands se suicidaient / devenaient de vrais psychopathes / étaient totalement dépressifs ou récits de soldats envoyés en Tchétchénie devenus si accro à la violence qu’ils se battaient entre eux quand ils n’avaient pas de victime à torturer).
Cela n’excuse rien bien sûr à ce que chacun a fait, mais a encore dévalorisé un commandement même pas capable de prendre soin de ses hommes.
Qui haïr le plus l’épée ou la main qui la porte ? Celui qui a transformé un homme en arme déshumanisée ?
Tu vois te lire m’emmène très loin.
Mais c’est toujours un plaisir de te retrouver !
Sinon, tout va bien. J’espère qu’il en est de même pour toi !
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Coucou Brisis !
La seule et unique version « officielle », c’est moi qui l’écris 🙂 Je ne dis pas que certaines interprétations établies par certains lecteurs ne m’ont pas / ne vont pas m’influencer, ou qu’elles n’ont pas résolu des questions que je me posais, mais j’ai toujours su où j’allais et ces influences seront à la marge. Concernant « l’ex-apprentie sur le retour », attention à ne pas *trop* se fier aux apparences… 😉 (disons qu’une très bonne connaissance de l’anime constitue un vrai plus à ce niveau XD)
Hum… c’est une bonne question que tu poses : en ce qui me concerne, je serais plus choquée de savoir que l’assassin de ma famille mène une vie luxueuse et heureuse, et serais à l’inverse tout à fait satisfaite de savoir qu’il est détruit par son acte. Dans ma culture, s’il ne devait y avoir qu’une seule loi, ce serait celle du Talion. Dans mon dictionnaire personnel, dédouaner et pardonner n’existent pas. Ceci étant, ce n’est pas le sujet dans le sens où ce que je pense ne transparaît pas forcément dans mes écrits et inversement : je ne pense pas tout ce que j’écris.
Rapport à ta question : au-delà du fait que cette histoire de photos sera explicitée bien plus tard dans l’histoire – pour le moment, j’agence mes pièces sur l’échiquier – et que les raisons pour lesquelles elles sont prises ici ne concernent pas *que* l’apparent bonheur de ces deux-là, on peut évoquer le concept « d’impunité ». Le Sanctuaire agit en tout impunité, hors de tout cadre légal et on pourrait même ajouter « moral ». Cette impunité lui confère une puissance phénoménale et inversement (bis) : sa puissance induit son impunité. Où se situe donc la limite du « tolérable » ? Par ailleurs, tu faisais référence entre autres à certains criminels nazis : dans le lot, nombre ont vu leur esprit torpillé par leurs actes, mais il y en a aussi que ça n’empêchait pas de dormir et qui ont préféré s’enfuir plutôt que de risquer leur vie pour assumer leurs actes, lesquels étaient en sus parfaitement légitimes à leurs yeux. Et ceux-là ont été traqués pendant des décennies afin de répondre de leur barbarie devant la justice. Quand ils ont pu être retrouvés. Je pense notamment à Mengele qui n’a jamais été traduit en justice, puisqu’il s’est noyé au cours d’une baignade.
Bon, il ne s’agit pas ici de comparer, hein XD Mais sur le seul principe de l’impunité, que certains s’interrogent sur le sujet concernant le Sanctuaire semble légitime. Et, oui, je pense qu’on peut haïr aussi bien une institution qu’un individu émanant de ladite institution, car la haine ne se raisonne pas et qu’il faut toujours un coupable.
Merci pour ta lecture de ce chapitre 8, au plaisir d’échanger avec toi sur d’autres, passés ou à venir !
(et oui, ça va bien aussi :-))
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Hello !
Ils sont mignons les deux affreux !
Les costumes à l’italienne… la classe ! Angelo ne s’intéresse pas qu’au foot !
Par contre, si je me rappelle bien des drabbles sur la future compagne de Marine, je croyais qu’elle n’avait jamais eu de lien avec la bande à Dimitri.. Je m’ai trompé ?
J’ai hâte de lire le récit sur le mariage de Canon et Thétis ! Cela promet de bons moments et quelques mauvaises vannes (Angelo en tête), et, bien entendu une énorme bouffée d’amour (avant la tempête).
Concernant « les enfants du cosmos », je suis curieux de savoir qui était le Guilty avant de se faire bannir et de quelle constellation il relevait à l’origine (au hasard, le Caméléon ?).
Cette histoire va finir en expédition punitive de la part du Sanctuaire (je sens venir l’ENORME colère de Saga et une envie d’une finir d’une façon aussi radicale que définitive). Vu ce qui attends les 12 (et d’autres), la riposte va être sanglante…..
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Hello !
Eh oui, Angelo a un goût très sûr en matière de fringues : limite il lui faudrait une extension spéciale à son contrat d’assurance pour assurer son armoire XD
Ah ah ! Alors ça, tu vois, ça me fait plaisir : que tu aies lu les drabbles et que tu en aies retenu le contenu ! Et… non, tu ne te trompes pas. Je te laisse donc deviner l’identité de la demoiselle en question :-p
Le Mariage constituera le premier jalon de l’histoire, c’est d’ailleurs avec cet événement en ligne de mire que je me suis décidée à publier cette histoire en mode « je vais au moins jusque là ». Cette histoire est tellement énorme que si je ne la découpe pas en sous-objectifs, je n’arriverai jamais au bout. Sinon, oui, ce sera un beau moment ♥
Concernant Guilty, je prends toutes les suppositions et hypothèses des lecteurs ! La tienne est très intéressante je trouve… Si si si.
Pour l’heure, Saga n’a pas la moindre idée de ce qui lui pend au nez mais quand on connait le gars, oui, on peut se douter qu’il ne va pas se laisser faire, et qu’il va vouloir protéger tout ce qui lui est cher…
Merci pour ta lecture attentive et tes mots enthousiastes !
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